A Kalaban-Coro, à l’ouest de Bamako la capitale du Mali, nous sommes allés à la rencontre d’un jeune artiste qui a choisi le Dessin comme sa passion. Dans un pays où la situation des artistes n’est pas du tout séduisante, Siriman Keita, 27 ans, a pris le risque d’abandonner les études, après un Baccalauréat raté, pour se consacrer au Dessin. C’est dans son quartier où il vit avec sa famille, non loin de l’école Togolaise « Montesquieu », qu’il s’est ouvertement livré à nous vendredi, dans un premier entretien. «Assalamu Alaykum (que la paix soit avec vous), je suis fier de vous accueillir dans mon toit et j’espère qu’on aura de bonnes discussions », nous a-t-il lancé d’entrée, ajoutant que « Les conditions ne sont pas faciles, mais Inch’ Allah ça ira », comme peut être pour planter le décor des difficultés qu’il rencontre malgré son talent. Pour ce musulman natif de Kita, cercle de la première région du Mali (Kaye), peu importe les difficultés rencontrées dans cet art, elles ne seront pas assez fortes pour prendre le dessus sur sa passion. Entretien.
Pourquoi avez-vous choisi le dessin comme votre profession ?
En réalité, c’est avant tout une passion car on ne peut rien faire dans cette vie s’il n’y pas une passion derrière. Moi j’ai commencé le dessin depuis le bas âge. Je dirai que c’est aussi un don. Depuis que j’ai été recalé au BAC, j’ai décidé d’arrêter les études. Au début je voulais m’inscrire à l’Ecole Nationale des Arts (ENA) mais je n’ai pas pu, faute de moyens. Alors je me suis tourné vers la formation sur le tas. Je suis donc allé voir les gens qui dessinent dans les rues. J’ai visité plusieurs ateliers de dessins où j’ai appris énormément. Alors j’ai commencé moi-même à faire des portraits aux gens pour gagner un peu de sous. Vu l’engouement que suscitaient mes dessins, j’ai tout de suite compris que j’avais de la matière mais une matière qu’il me fallait encore perfectionner. Pour ne pas dépendre que du dessin j’ai décidé alors d’aller travailler dans une galerie (2014-2016) où on vend des tableaux, surtout que mes parents ne misaient pas exclusivement sur mes possibilités de survivre à travers cet art. Dans cette galerie, j’ai rencontré d’autres personnes qui ont fait l’école des arts avec qui j’ai appris davantage. D’ailleurs j’ai aussi des connaissances dans cette galerie. Après cela, j’ai un grand frère qui m’a sollicité pour gérer une boutique, l’objectif étant de me permettre de trouver une activité en dehors du dessin pour avoir un peu de sous et financer mes études à l’ENA. Mais tout de suite, j’ai été angoissé car je me suis dis que je suis fais pour dessiner et non pour vendre à la boutique. Après une année j’ai donc décidé de quitter la boutique pour reprendre mes dessins à la maison. Cette année (2019) j’ai voulu m’inscrire à l’ENA mais je n’ai pas vite su pour le dépôt des dossiers alors j’ai été en retard. L’année prochaine, je crois que j’y serai.
Que représente pour vous le Dessin, au-delà d’une simple activité qui vous rapporte un peu de sous ?
Comme je l’ai dis plus haut, c’est avant tout une passion. Mais, oui, c’est aussi un moyen pour moi de m’identifier et surtout de véhiculer un message. J’ai choisi de me spécialiser dans le portrait car pour moi c’est une façon de véhiculer un message à travers un visage. Je n’ai pas eu la possibilité de poursuivre les études alors il fallait que j’ai quelque chose à faire et pour moi le dessin est quelque chose qui passe en premier. Certes, j’essaie de faire d’autres activités parallèles pour m’en sortir ( de la pauvreté, ndlr) mais le dessin reste ce que j’aime le plus. Je réalise mes œuvres sur commandes, souvent lors des anniversaires, saint valentin, et autres événements. Généralement les gens viennent me voir pour que je leur fasse des portraits pour les remettre comme cadeaux à des proches. Mais c’est vraiment rarement qu’on tombe d’accord sur les prix, mais on est obligés de faire avec.
Alors quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans la commercialisation de vos œuvres ?
D’abord il y a manque des moyens. Les gens n’ont pas assez de moyens pour s’acheter des objets d’arts surtout les dessins. C’est peu de personnes qui arrivent à le faire. Ensuite, les gens ne connaissent pas vraiment la valeur de l’art. Ils préfèrent aller acheter les gâteaux ou les poupées pour donner à leur amoureuse ou enfants au lieu que de venir faire le portrait. Pour un portrait sur un format de 44 sur 32 si tu leur dis que je vais leur faire ça à 7500, ils vont crier qu’ils n’ont pas les moyens, que c’est trop cher, or pourtant le dessin on peut garder des années en prenant soins de lui. Mais quand tu achètes les gâteaux ou les poupées, c’est presque éphémère , à un moment donné ça n’a plus de valeur. IL faut que les mentalités changent pour que l’art soit de plus en plus valorisé.
Propos recueillis par Charles AYI