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Critique. Aimer, le dernier livre de Véronique Tadjo, conte l’histoire d’Eloka, un homme originaire d’une grande ville d’Afrique de l’Ouest qui, poussé par la curiosité et le goût du voyage, aime arpenter les routes du monde. C’est ainsi qu’il débarque un soir de son pas tranquille dans une petite bourgade européenne. Le hasard l’amène à rencontrer la belle Aimée et tous deux se sentent aussitôt attirés l’un par l’autre.

Peu de temps après, Eloka l’épouse et l’emmène vivre avec lui dans son pays natal. « Aimer, c’est vivre plusieurs vies à la fois, s’ouvrir au monde, l’embrasser, le toucher. Aimer, c’est se rendre vulnérable aux intempéries du monde », déclare l’auteure, dès l’avant-propos de ce joli texte aux allures de récit initiatique.

L’ouverture est en effet au cœur de la relation d’Eloka et Aimée, de même que l’acceptation de ce drôle de parcours qu’est la vie. L’un et l’autre s’y lancent tout d’abord avec une belle harmonie. La proximité du couple est telle qu’« à force de vivre avec Eloka, Aimée se mit à lui ressembler. Les mêmes expressions, les mêmes attitudes. Ils partageaient leur temps, leurs habitudes, leurs désirs ».

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Mais l’itinéraire commun finit par se scinder : « Après des années de vie commune, Eloka voyait Aimée différemment. La passion qu’il avait éprouvée pour elle au début ; le goût de sa bouche ; le désir de son corps ; le contraste de leurs peaux ; son parfum, tout cela ne lui était plus essentiel. Il l’aimait toujours – beaucoup plus à bien des égards –, mais il voulait surtout lui parler et l’écouter. »

Telle une fièvre, l’envie de repartir saisit régulièrement Eloka. Depuis toujours, il est incompris de sa propre famille, tant il rechigne à suivre les traditions que son statut d’aîné exigerait qu’il transmette. Quant à Aimée, ses interrogations vont grandissant car elle se sent prise au piège dans cet environnement où elle a choisi de vivre par amour, mais auquel elle n’a jamais totalement pu se faire : « Pourquoi s’était-elle éprise de ce pays à mille lieues du sien ? Pourquoi s’était-elle attachée à cet homme que tout aurait dû rendre étranger ? Elle était en train de se perdre dans cette ville, de se noyer. »

Crise climatique

Comment parvient-on à faire durer l’amour alors que le temps qui passe nous fait changer et que le monde, autour de nous, se transforme parfois radicalement ? En 1999 déjà, le troisième roman de Véronique Tadjo, Champs de bataille et d’amour (éd. Présence africaine/NEI) proposait une réponse à ces questions. Aimer est une forme reprise retravaillée de ce livre, « afin d’en faire ressortir les aspérités, les creux et les volumes », explique la romancière et plasticienne ivoirienne.

Plus de deux décennies après, les interrogations demeurent entières, mais le texte résonne avec une acuité amplifiée. C’est la ville qui, au fil des ans, a raison de l’amour d’Aimée et Eloka, tous deux se retrouvant en quelque sorte prisonniers de cet espace. Etouffée par la chaleur, souffrant de longues pannes d’électricité, la cité subit de plein fouet les effets de la crise climatique.

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Espace de confrontation entre la grande richesse et la plus extrême pauvreté, elle est aussi le théâtre d’une crise sociale sans précédent : « L’injustice se propageait et salissait tout. La ville était défigurée par une chaleur si indécente qu’elle pénétrait profondément les chairs et faisait ressortir toutes les gouttes de sueur. Une chaleur qui ne partait jamais (…) soufflant son haleine brûlante sur la ville à genoux. La misère restait la même, telle une lèpre rongeuse, une plaie immonde, une gangrène qui durait. »

Comme dans son roman En attendant les hommes (éd. Don Quichotte), où elle évoquait les bouleversements liés à l’épidémie d’Ebola, Véronique Tadjo se montre plus que jamais sensible aux catastrophes de notre époque. Même si, le temps d’un chapitre, Eloka parvient à emmener Aimée pour quelques jours dans une oasis de verdure, le couple se fissure irrémédiablement, au rythme de la sécheresse et des voyages répétés d’Eloka, qu’il faut sans doute comprendre comme autant de fuites vers des latitudes encore tempérées et des relations plus vivables. Sans doute, semble dire l’auteure, est-il plus que temps de réinventer l’amour, c’est-à-dire de retrouver une symbiose des humains et de la nature, afin qu’un nouveau monde puisse enfin s’enfanter.

Aimer selon Véronique Tadjo, Museo Editions, collection « Paradisier », 88 pages, 14,50 euros.

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LA REDACTION