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Quand Kwame Nkrumah publie, en 1964, Le Consciencisme, une page de l’histoire est en train de se tourner. Les Etats africains sont indépendants d’un point de vue formel sur la quasi-totalité du continent, mais ils n’en restent pas moins pris dans un système économique mis en place sous la colonisation, qui profite largement aux anciennes métropoles.
« L’impérialisme, écrit le président ghanéen, (…) cessera quand il n’y aura plus de nations ni de peuples en exploitant d’autres, quand il n’y aura plus de groupes exploitant la terre, ses fruits et ses ressources au bénéfice de quelques-uns et à l’encontre des intérêts de la majorité. » Reste à proposer une méthode de libération culturelle et de décolonisation totale.
A l’époque, Kwame Nkrumah tente de reprendre en main sa formation politique gangrenée par des conflits internes et des affaires de corruption, tout en défendant une politique étrangère en rupture avec le bloc occidental. Pour écrire Le Consciencisme, il s’entoure de chercheurs marxistes du Ghana, bien sûr, mais aussi du Nigeria, du Sénégal, du Cameroun…
L’essai, analyse le chercheur Antoine de Boyer dans sa contribution à l’ouvrage collectif Socialismes en Afrique (éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2021), relève « autant d’une tentative de synthèse idéologique à l’adresse du parti que l’élaboration d’une pensée susceptible de répondre à certaines questions qui se posent aux nations africaines indépendantes ».
Une crise de la « conscience africaine »
Son auteur s’appuie, comme son compatriote W. E. Abraham dans The Mind of Africa, sur les travaux de l’un des pères du panafricanisme, Edward Wilmot Blyden (1832-1912). Il invite à prendre conscience d’un triple héritage : celui de l’Afrique traditionnelle, de l’Occident chrétien et de l’islam. Trois dynamiques, explique-t-il, qui ont créé une crise de la « conscience africaine ». Pour la dénouer, il est nécessaire de travailler à une « harmonie nouvelle », « en accord avec les principes de l’humanisme originel sur lequel repose la société africaine », qu’il imagine profondément égalitaire.
Formé par les jésuites en Gold Coast où il est né en 1909, puis aux Etats-Unis où il commence un doctorat de philosophie avant de rejoindre Londres, Kwame Nkrumah est revenu dans son pays natal en 1947 en panafricaniste convaincu. Figure majeure des indépendances, il a participé, en 1963, à la rédaction de la charte de l’Organisation de l’unité africaine, la future Union africaine.
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