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Dès le titre, Les lieux qu’habitent mes rêves, un charme tout particulier se dégage du dernier roman de l’écrivain et penseur sénégalais Felwine Sarr. Le lecteur, s’il accepte de se laisser prendre au lyrisme des mots et des phrases, au mystère général des univers évoqués et de l’avancée lente et énigmatique du récit, est saisi dès la première ligne.

L’auteur en sait forcément plus que ses lecteurs, mais il donne l’impression envoûtante que ses personnages le guident et se révèlent progressivement à lui. Un premier narrateur s’exprime ainsi depuis la retraite où il espère guérir d’une profonde et intime blessure. « La cisaille était moins nette et le sang avait coagulé, dit-il, cependant quelque chose comme les tissus internes de l’âme refusait de cicatriser. Il me fallait ouvrir grande la porte de la béance et laisser le vent sec et régénérateur souffler. »

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Un deuxième narrateur part, lui, recueillir auprès d’un sage moribond les connaissances occultes dont il est le continuateur désigné. Car, selon l’ordre ancien, « l’outre doit être transvasée, les secrets des Kumax ne doivent pas disparaître ».

Enfin, une troisième voix se fait entendre, celle d’une étudiante en mathématiques attirée par le premier narrateur. « J’aime sa sensibilité… Je pressens chez lui quelque chose qui relève de la lave », précise-t-elle de son futur amoureux.

Puiser dans l’intimité de chacun

Comment ces trois voix se relient-elles ? Quels parcours de vie narrent-elles ? Comment les voix d’autres protagonistes – Martha, Vladimir, frère Tim… – vont-elles se joindre aux premières ? Lentement, posément, au fil de chapitres où les personnages s’expriment tour à tour, le romancier puise dans l’intimité de chacun de quoi composer peu à peu une photographie plus large, dont la netteté se révèle au fil des pages.

Les voix masculines principales sont celles de Bouhel et Fodé, deux frères nés au Sénégal et reliés par leur gémellité ; la voix féminine, celle d’Ulga, une étudiante polonaise. Alors que Bouhel, jeune adulte, part étudier la sémiologie et la littérature comparée en France, Fodé demeure pour sa part au pays et se forme comme menuisier. Il devient parallèlement une figure d’autorité dans les cérémonies essentielles du Ndut, l’initiation traditionnelle des jeunes gens de sa communauté.

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Bien que séparés par la distance géographique, les deux frères vivent, chacun à sa manière, une quête. Elle prend une forme spirituelle pour Fodé, qui puise dans le prolongement des traditions. Elle est sentimentale pour Bouhel, qui suit Ulga à Varsovie rencontrer sa famille. « Je compris, confie ce dernier, que l’on ne se guérissait pas tout seul ; que la rémission de l’âme n’était pas que le résultat d’une volonté propre et d’une action consciente. Quelque chose nous était donné. Il fallait l’accepter. »

Avec ce livre singulier, c’est au fond à une méditation que nous invite Felwine Sarr : une invitation à se tourner vers l’intérieur de soi, comme le font ses personnages, afin de pouvoir accueillir la vie avec ses mystères et ses surprises, heureuses comme malheureuses.

Comme dans un rêve éveillé

Une invitation également à admettre l’existence et la complexité de l’invisible, un pays que les morts et quelques âmes éclairées du monde terrestre connaissent : « Le pays sans fin n’était pas un pays. Il n’avait pas de limites. Il habitait le vide infini du territoire mystérieux des rêves et les profondeurs de l’univers. C’était une contrée sans lieu. L’espace y était annihilé et le temps dilaté comme une nappe étalée sur une grande table. »

On avance dans ce roman comme dans un rêve éveillé, les yeux grand ouverts dans le noir, entraîné par le charme d’une écriture dont chaque phrase vient tracer son chemin en soi et laisse sereins comme après une gracieuse initiation.

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Et l’on se prend à rêver, avec Bouhel, du projet d’une vie nouvelle et pacifiée qu’il formule : « J’ai décidé que j’allais m’incorporer l’âme de Vladimir, la faire revivre en moi. Reprendre son rêve. Pas le projet fou de sauver l’humanité, mais celui de m’employer à être un honnête homme, bon, juste. Réduire la surface de l’égoïsme, mieux commercer avec mes semblables, les aimer si possible, communier avec le tout-vivant. Juste cela. »

Les lieux qu’habitent mes rêves, de Felwine Sarr (L’Arpenteur – Gallimard, 176 pages, 18 euros).

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LA REDACTION