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Dans les années 1960-1980, la philosophie africaine est l’objet d’un intense débat. Sur ce qu’elle recouvre, mais aussi sur la pertinence de la formule, dans la mesure où on ne parle pas, à titre de comparaison, de philosophie européenne ou de philosophie américaine. Que serait donc une philosophie dite africaine ? En quoi serait-elle différente de la philosophie occidentale ? Une philosophie n’est-elle pas, par définition, universelle ? N’est-ce pas le propre des philosophes de produire des pensées valables au-delà des contingences ?

Autant de questions auxquelles se confrontent les philosophes africains engagés dans cette dispute, à l’instar des Camerounais Marcien Towa et Fabien Eboussi Boulaga, des Béninois Paulin Hountondji et Stanislas Adotevi, des Zaïrois V.Y. Mudimbe et P.E.A. Elungu, du Rwandais Alexis Kagame, des Ghanéens Kwasi Wiredu, Kwame Gyekye, Kwame Nkrumah, ou encore du Sénégalais Léopold Sédar Senghor et du Kényan Henry Odera Oruka…

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Les échanges sont d’autant plus vifs que les enjeux ne sont pas seulement académiques. Il s’agit de contrecarrer l’affirmation coloniale selon laquelle les Africains ne sont pas des êtres de raison et qu’il faut les civiliser. Une affirmation qui s’inscrit dans l’histoire même de la philosophie européenne, puisque Hegel, dans ses Leçons sur la philosophie de l’histoire, a exclu l’Afrique de la marche de l’histoire et du champ de la raison, un attribut pensé propre à l’humain.

La nécessité d’une « décolonisation mentale »

Le débat sur la philosophie africaine plonge ses racines dans le courant de la négritude, qui s’est formé à Paris dans les années 1930 autour des poètes Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor et de l’éditeur Alioune Diop, qui a créé Présence africaine pour publier un ouvrage qui parle pour la première fois de philosophie africaine, La Philosophie bantoue, écrit pourtant par un missionnaire belge, le révérend Placide Tempels. Les Etats d’Afrique acquièrent à l’époque leur indépendance. La question se pose de savoir ce que peut la philosophie dans un tel contexte. Et comment elle doit se démarquer de l’idéologie alors qu’elle cherche à penser ce que signifie être africain dans les années 1960.

Est-ce à comprendre dans une opposition au modèle occidental ? En renouant avec des traditions forgées avant la colonisation et mises à mal par l’ancien maître ? En conciliant identité ethnique et aspiration panafricaine ? Ou en bâtissant des identités nationales ?

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La majorité des philosophes africains engagés dans ces réflexions vont se confronter à l’épineuse question de l’universel et du particulier, mais aussi interroger les rapports entre pouvoir et savoir ; ce qui va les conduire à penser la nécessité d’une « décolonisation mentale ». Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il ne s’agit pas de rejeter systématiquement tout ce qui vient d’Occident, mais de saisir en quoi les concepts ou les paradigmes produits par les sciences occidentales peuvent être, ou pas, pertinents pour appréhender les réalités africaines. Et, dans le même mouvement, revaloriser des savoirs et des savoir-faire issus des cultures africaines qui avaient été dépréciés, voire interdits, par le colonisateur.

La discussion s’essouffle peu à peu au début des années 1990, quand, avec l’ouverture au multipartisme des Etats du continent, d’autres urgences émergent. Il s’agit alors de (re)penser, dans un contexte africain, la question démocratique, le consensus, la communauté… alors que le spectre de la division ethnique menace.

Une nouvelle éthique de la relation

Pourquoi revenir sur la controverse de la philosophie africaine un demi-siècle plus tard ? Parce qu’un certain nombre des questions qu’elle a abordées ressurgissent, en Afrique mais aussi en France. Différemment, bien sûr. Les contextes ne sont pas les mêmes. Mais de nouveau, il est question de « décoloniser » les savoirs et les politiques et de conjuguer l’universel au pluriel.

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La philosophie africaine a longtemps été face à un dilemme : comment répondre à un modèle occidental tout en lui échappant. Désormais, elle n’a plus à prouver qu’elle existe. La reconnaissance a eu lieu, notamment par les universités américaines, qui, contrairement aux universités françaises, proposent des enseignements de philosophie africaine et ont recruté de remarquables penseurs comme V.Y. Mudimbe et Souleymane Bachir Diagne. Ou dernièrement l’auteur d’Afrotopia, Felwine Sarr, qui invite non seulement à ne plus suivre aveuglément le modèle occidental mais à être force de proposition pour soi et pour les autres, dans une nouvelle éthique de la relation, alors que tous, nous devons faire face à une crise écologique et climatique sans précédent.

Sommaire de la série « A la redécouverte des classiques de la philosophie africaine »

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LA REDACTION