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Sabre, siège royal, statues : l’Assemblée nationale se prononce, mardi 6 octobre, sur la restitution avec transfert de propriété de biens culturels au Sénégal et au Bénin, un geste qui veut marquer un renouveau des relations franco-africaines, mais est jugé insuffisant par certains, hasardeux pour d’autres.
« Ce n’est pas un acte de repentance ou de réparation, ni une condamnation du modèle culturel français », mais l’amorce d’un « nouveau chapitre du lien culturel entre la France et l’Afrique », plaide la ministre de la culture Roselyne Bachelot.
Le rapporteur Yannick Kerlogot (LREM) évoque une « décision politique forte », qui traduit l’engagement du président Emmanuel Macron en novembre 2017 à Ouagadougou de refonder le partenariat culturel franco-africain.
Le texte comporte deux articles seulement et doit être soumis en vote dans la soirée.
Le transfert au Bénin porte sur 26 pièces du « Trésor de Béhanzin » provenant du pillage des palais d’Abomey en 1892. Elles sont aujourd’hui au musée du Quai Branly – Jacques-Chirac à Paris.
Le Sénégal doit récupérer la propriété d’un sabre et de son fourreau attribués à El-Hadj Omar Tall, grande figure militaire et religieuse ouest-africaine du XIXe siècle. Habituellement conservées par le Musée de l’armée à Paris, ces deux pièces sont exposées au Musée des civilisations noires de Dakar dans le cadre d’un prêt de longue durée depuis novembre 2019.
« En restituant ces objets d’exception au Sénégal et au Bénin, nous contribuons à donner à la jeunesse africaine l’accès à des éléments majeurs de son propre patrimoine », a souligné Mme Bachelot devant les députés de la commission des affaires culturelles.
Au compte-gouttes
Le projet de loi déroge ponctuellement au caractère inaliénable des collections des musées nationaux français, parmi les plus riches du monde en pièces de toutes époques et tous horizons.
Ses adversaires lui reprochent d’encourager une relance sans fin des demandes de restitution qui empoisonnent régulièrement les relations internationales, à l’instar de la Grèce, qui réclame en vain le retour des frises du Parthénon exposées au British Museum.
« Comment va-t-on faire pour dire à l’Egypte : “Non, pas vous” ? Comment va-t-on faire pour les prises napoléoniennes ? » qui trônent dans les musées français, s’interroge Me Yves-Bernard Debie, avocat spécialisé dans les biens culturels. « Le caractère inaliénable des collections va mourir avec cette loi », assure-t-il. Certains opérateurs redoutent aussi qu’après ces restitutions, le marché légal de l’art ne devienne « frileux » face à un risque « d’instabilité juridique », selon l’étude d’impact remise aux députés.
D’autres en revanche déplorent le caractère trop limité de ces restitutions au compte-gouttes. C’est le cas du président du Bénin, Patrice Talon, qui se dit « pas satisfait » du projet de loi dans l’hebdomadaire Jeune Afrique, même s’il reconnaît de « petits pas » de la part de Paris. « Voter une loi spécifique pour restituer vingt-six œuvres est un strict minimum. Ce que nous souhaitons, c’est une loi générale » permettant de négocier « une restitution globale sur la base d’un inventaire précis », explique-t-il.
Et dans la foulée des restitutions au Bénin et au Sénégal, le député des Français de l’étranger M’Jid El-Guerrab vient de proposer la restitution du burnous de l’émir Abdelkader, « héros de la résistance à la colonisation de l’Algérie » au XIXe siècle, conservé à Paris.
Mme Bachelot elle-même a reconnu que ces restitutions « sont au cœur de vifs débats, qu’elles nourrissent de nombreux questionnements éthiques, philosophiques, politiques ».
Paris a déjà restitué, selon diverses modalités juridiques, des objets d’art au Laos, une statue volée à l’Egypte en 1981, 21 têtes maories à la Nouvelle-Zélande ou encore 32 plaques d’or à la Chine, a énuméré la ministre.
Ces restitutions s’inscrivent dans un « mouvement international qui prend de plus en plus d’ampleur », et une « réflexion sur le rôle des musées dans le monde », a-t-elle aussi fait valoir.
Tout en dérogeant au caractère inaliénable d’œuvres précises, le texte de loi ne remet pas en question ce principe « qui cimente le droit français » depuis le XVIe siècle, fait valoir de son côté le rapporteur du projet.
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