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A la fin de la première guerre mondiale, la victoire militaire des forces de l’Entente fut parachevée par les traités sanctionnant les nations vaincues. Celui de Versailles, en 1919, infligea d’humiliantes punitions à l’Allemagne tandis que celui de Sèvres, en 1920, signa le projet de dépecer le califat ottoman qui s’était allié au Reich, en Europe et hors du continent. Les pays de l’Entente détachèrent ainsi les nationalismes arabes au Moyen-Orient et au Maghreb de la tutelle califale turque.
A la même période, en Inde sous domination britannique, se développa un puissant nationalisme musulman qui prit la forme d’un « mouvement pour le califat » (le khilafat movement) soutenu par Gandhi. En 1920, ce mouvement publia un Manifeste du califat qui exigeait de la Grande-Bretagne qu’elle protégeât le califat et lança un appel à la mobilisation de l’importante communauté musulmane indienne pour sa défense. Cette mobilisation portait le message qu’un califat n’était pas seulement un gouvernement, mais aussi et d’abord une institution religieuse consubstantielle à l’islam même. Est-ce le cas ?
Le message de l’Assemblée nationale turque
Ironie de l’histoire : c’est la Turquie elle-même qui, de facto, répondit « non » à cette question. La guerre et la révolution conduites par Mustafa Kemal ont abouti d’une part à un nouveau traité − celui de Lausanne en 1923, plus avantageux pour la Turquie −, et d’autre part à la proclamation de la République et à l’abolition du califat ottoman. En effet, après que la nouvelle République eut d’abord réaffirmé ce que le mouvement indien avait tenu pour un dogme – à savoir que le califat en islam était un lien sacré entre les musulmans –, la Grande Assemblée nationale turque, en abolissant le califat le 3 mars 1924, envoya au monde musulman le message suivant : de jure, le califat n’est pas consubstantiel à l’islam et les sociétés musulmanes, dans leur diversité, ont aujourd’hui la responsabilité de construire les institutions politiques modernes qui traduiront au mieux les aspirations des peuples.
Avec ce message est née une bifurcation philosophique. Dans un sens s’ouvrait la voie de la nostalgie d’un califat disparu, identifié à un âge d’or dont le retour dépendrait de sa restauration. S’ouvraient, dans l’autre sens, la promesse et la visée d’une « reconstruction » (un concept au cœur de la pensée du poète Mohamed Iqbal, 1877-1938), pour ouvrir l’avenir, de ce que voudrait dire « gouverner » aujourd’hui, dans les mondes musulmans.
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