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L’objet du vol, commis par Michel Leiris lors de la mission Dakar-Djibouti (1931-1933), se trouve parmi les collections africaines au Musée du quai Branly-Jacques Chirac : un boli malien, fétiche des Bambaras saisi dans le village de Dyabougou, dans la région de Ségou. Une « forme bizarre » décrit l’étudiant en ethnologie, en 1934, dans son journal de l’expédition, L’Afrique fantôme (« Tel », Gallimard), « sorte de cochon de lait » constitué de terre mêlée à de la cire d’abeille et recouvert de sang coagulé.
Le voilà à l’affiche, du 7 au 9 octobre, du Théâtre du Châtelet, à Paris, avant une vingtaine de représentations pour la saison 2021-2022. Spectacle protéiforme, Le Vol du Boli consacre la rencontre entre Damon Albarn, musicien anglais bien connu en tant que frontman des groupes Blur et Gorillaz, et le cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissako, dont le Timbuktu rafla sept Césars, en 2015. A ce vol, entendu comme « infraction », ils ont voulu aussi donner le sens de « parcours », « voyage », « odyssée ».
Une réplique de la sculpture zoomorphe est posée sur les planches du Châtelet pour la scène du délit. Arpège mélancolique de guitare, relayé par la kora, la harpe-luth d’Afrique de l’Ouest. L’acteur François Sauveur, qui incarne Michel Leiris, s’avance et porte les mots du surréaliste dissident, qui le brouilleront avec Marcel Griaule, chef de la mission Dakar-Djibouti : « Je constate avec une stupeur qui, un certain temps après, seulement, se transforme en dégoût, qu’on se sent tout de même joliment sûr de soi lorsqu’on est un Blanc et qu’on tient un couteau dans sa main. »
Programmé dans le cadre de la Saison Africa2020, prévue à partir de juin et reportée à décembre en raison du Covid-19, Le Vol du Boli entre en résonance immédiate et brutale avec l’actualité : le dossier sensible de la restitution des objets d’art africains, la mémoire du colonialisme, celle de l’esclavage.
« Obsession pour l’ésotérisme »
Abderrahmane Sissako, qui avait visité l’exposition consacrée à Michel Leiris par le Centre Pompidou-Metz, en 2015, a eu l’idée du Boli, ce « symbole de dépossession d’une identité », comme point de départ et fil rouge.
« L’Afrique fantôme n’avait pas été ouvert à la bonne page. Ce qui est important, c’est la reconnaissance du vol. Quand on le reconnaît, on est pardonné. » Lui aurait choisi ce passage : « On pille des Nègres, sous prétexte d’apprendre aux gens à les connaître et les aimer, c’est-à-dire, en fin de compte, à former d’autres ethnographes qui iront eux aussi les “aimer” et les piller. » « Une négation même du musée » qu’est le Quai Branly, commente Sissako, sans plaider pour le retour du Boli sur ses terres sacrées : « Cette logique de déposséder celui qui a possédé, je ne vois pas où est la victoire. Le Boli peut voyager, ce serait pour moi la meilleure façon de donner du sens. »
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