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Chéri Samba a débarqué à Paris en janvier. Seulement pour quelques semaines, pensait-il. Confiné comme tout le monde, loin de ses bases qui plus est, le peintre congolais n’est pas resté inactif. En mai, il esquisse le tableau Merci, merci je suis dans la zone verte, accroché à partir du 12 septembre à la galerie parisienne Magnin-A dans l’exposition « Kings of Kin ».
Fin juin, lorsque l’Ile-de-France passe enfin en « zone verte », il finalise cet autoportrait en équilibre précaire sur un tourbillon vert – allégorie de nos incertitudes. Depuis, la région parisienne est repassée au rouge, sans pour autant affecter le moral de Chéri Samba, qui avait réalisé en 1989 un tableau intitulé L’espoir fait vivre.
A 64 ans, le peintre n’a rien perdu de sa niaque de fils de forgeron qui, il y a 48 ans, quittait son village pour Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, l’ambition chevillée au corps. L’icône de l’art contemporain africain, en outre, garde le goût du mystère. « Chéri Samba adore que l’on s’intéresse à lui, mais il n’aime pas qu’on lui pose des questions », écrivait malicieusement en 1997 la conservatrice Emma Lavigne lors de sa première exposition en France, à l’ancien Musée des arts d’Afrique et d’Océanie.
D’autant qu’il y a deux Chéri. Celui qui nous accueille avec simplicité dans l’espace de son galeriste parisien André Magnin. Et le sapeur qui, à Kinshasa, soigne son look et son ego. Sur la façade de sa maison hérissée de barbelés et protégée par six militaires, une plaque donne le ton : « Résidence privée de Chéri Samba, le peintre truculent selon le grand dictionnaire Hachette ».
« Ne pas m’admirer que pour me faire plaisir »
Dans son bureau quasi présidentiel aux murs roses, une inscription en lingala signale que « dans cette maison, c’est Chéri Samba qui a le choix de zapper et d’augmenter le volume ». Comprenez c’est lui qui mène la danse. Au sol, cette injonction : « Ne pas m’admirer que pour me faire plaisir. Cela peut conduire à ma chute. Admirez-moi ou mon travail seulement si je le mérite. »
Aussi loin qu’il s’en souvienne, Chéri Samba a aimé jouer avec les mots. Après s’être installé à Kinshasa dans la commune de Ngiri-Ngiri où ses enseignes publicitaires font fureur, il commence à émailler ses tableaux d’aphorismes. L’objectif est d’abord pratique : il veut capter l’attention des passants et s’adresser au plus grand nombre. Aussi ses tableaux sont-ils volontairement colorés, d’apparence ludique, narratifs. En un mot, populaires. « Populaire, ça ne veut pas dire naïf, précise-t-il. C’est élaboré, pensé, mais ce n’est pas codé. »
Quoique à visée universelle, ses messages s’inscrivent toujours dans une dialectique africaine. Plus moraliste que moralisateur, Chéri Samba n’impose pas de point de vue, mais pose des questions. Dès ses premiers tableaux, il pointe les ambiguïtés de la société congolaise comme les ressacs du colonialisme, la duplicité des dirigeants autant que les petits accommodements du peuple.
Quarante ans plus tard, certains thèmes le hantent toujours, le racisme notamment, qu’il avait abordé dans J’aime la couleur, un tableau de 2003 décliné en plusieurs versions. « C’est ridicule de dire “gens de couleur”, vous connaissez des gens sans couleur ? », ironise l’artiste, qui, dans un nouveau tableau exposé à la galerie Magnin, a démultiplié en six couleurs le visage de son jeune fils.
Autour de 50 000 euros le tableau
Autre sujet récurrent, la restitution des œuvres d’art à l’Afrique, sujet épineux qu’il aborde en choisissant ses mots. « Il faut savoir comment, pourquoi ces objets ont quitté l’Afrique, indique-t-il. Certains ont eu l’amabilité de les garder. Maintenant, il faut préparer les conditions de leur retour. Car nous avons des musées, mais pas forcément des compétences. »
Sans doute Chéri Samba est-il moins insolent qu’à ses débuts, quand il abordait sans détours les sujets qui fâchent comme la sexualité ou la corruption. Au gré du succès et des responsabilités – il finance pas moins de dix-huit personnes à Kinshasa –, il tend parfois à se répéter. « Je me limite à trois reproductions qui ne sont pas identiques, proteste-t-il. Warhol a bien répété sa Maryline, Magritte sa pipe. Pourquoi m’imposer des limites que mes aînés n’avaient pas ? »
Chéri Samba est toutefois moins boulimique qu’avant. « Dans les années 1980, je pouvais faire une dizaine de tableaux en une semaine. Aujourd’hui, j’en fais dix par an », lâche le virtuose sexagénaire. Son marchand André Magnin s’explique : « Les nombreux expatriés belges de Kinshasa qui l’achetaient il y a quarante ans n’avaient pas beaucoup d’attentes sur le plan technique. »
Entre-temps, le standing de ses collectionneurs a changé. L’exposition « Les Magiciens de la terre » au Centre Pompidou en 1989 lui a donné une visibilité internationale. Ses prix ont grimpé – autour de 50 000 euros le tableau. Ses œuvres ont rejoint de prestigieuses collections, telle que celle de Jean Pigozzi, qui a offert plusieurs toiles au MoMA de New York, celle de Pierre-Alexis Dumas, directeur artistique de la maison Hermès, ou encore celle de Matthias Leridon, patron de l’agence de communication Tilder. L’artiste en soigne d’autant plus l’exécution qu’il doit se prémunir contre les faux qui prolifèrent depuis une quinzaine d’années
S’il se fait prier pour évoquer ses projets en cours, Chéri Samba accepte d’évoquer un tableau en gestation qui aura pour cadre l’Elysée. Au détour d’un article dans Jeune Afrique, le peintre a en effet découvert qu’une de ses œuvres y était accrochée. Comment a-t-il atterri là ? Nul ne le sait. Quelle forme prendra la future œuvre ? Rendez-vous dans quelques mois.
« Kings of Kin », du 12 septembre au 30 octobre, Galerie Magnin-A et Galerie Natalie Seroussi, www.magnin-a-com, www.natalieseroussi.com
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