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www.noocultures.info – On connaissait jusqu’alors la cinéaste sénégalaise Angèle Diabang par son talent à peindre avec réalisme les aspects de la condition féminine au Sénégal tant dans ses documentaires « Mon beau sourire » (2005), « Sénégalaises et Islam » (2007) que dans son premier pas dans la fiction « Ma coépouse bien-aimée » (2019). Tandis que « Mon beau sourire » nous montre le douloureux rite initiatique du tatouage des gencives auquel sont soumises les femmes sénégalaises, « Sénégalaises et Islam » expose leur façon de vivre la religion musulmane. « Ma coépouse bien-aimée » aborde quant à elle, le thème de la polygamie.
Avec « Un air de kora », une fiction de 24 minutes réalisée en 2019, sa dernière réalisation primée dans divers festivals de cinéma, Angèle Diabang se montre plus que jamais fidèle à son style. Mieux, au-delà de montrer une jeune femme écrasée par le poids de la tradition, la réalisatrice livre une histoire d’amour aussi originale qu’impossible.
Dès les premières images du court métrage, on s’attache à Salma, une jeune musulmane voilée qui dodeline de la tête en regardant son père musicien jouer de la kora. Elle aimerait aussi jouer de cet instrument de musique, mais il est de coutume que seuls les hommes y ont droit.
Ce poids écrasant de la tradition est davantage amplifié dans une autre séquence où la femme est réduite à ses marmites. Tandis que Salma cherchait à toucher à la kora à l’abri des yeux de son entourage, elle se fit appeler par sa mère qui lui demanda de l’aider à la cuisine, essuyant par la suite des reproches sur sa manière de faire. « A ton âge, j’étais excellente cuisinière et déjà mariée », lance sa mère qui perpétue à volonté l’image traditionnelle de la femme idéale : une épouse apte à s’occuper de la maison et à satisfaire son mari.
En tant qu’histoire d’amour, « Un air de kora » respecte la convention de la rencontre. Ce n’est pas un cliché, il s’agit d’une convention inhérente au genre. Le cliché serait que les individus se rencontrent de la manière dont les couples des histoires d’amour se rencontrent toujours. Et c’est là que le film se démarque vraiment par son originalité. A commencer par les circonstances de la rencontre. Un jour, alors que Salma va chercher la kora de son père au monastère, un moine lui offre l’opportunité de prendre secrètement des cours avec le frère Manuel, moine de Keur Moussa à 50 kilomètres de Dakar réputé ingénieux dans l’art de fabriquer et de jouer la kora.
Échanges de regards pudiques à la veille de la séance d’apprentissage fixée au lendemain. S’ensuit un premier cours d’initiation avec une remarquable métaphore cinématographique lorsque le frère Manuel recommande à Salma de mettre la kora entre ses jambes. C’est une image presque érotique du rapport qu’elle entretient vis-à-vis de l’instrument de musique qui se trouve personnifié. Elle vit une liaison amoureuse défendue. Si on peut se permettre de considérer la kora comme un personnage envers qui Salma et le frère Manuel éprouvent un amour commun, on a affaire à un singulier triangle amoureux qui provoque de l’affinité au lieu de rivalité.
Au fur et à mesure que les séances d’apprentissage se succèdent, Angèle Diabang a su montrer de façon subtile leur idylle naissante : les regards pudiques laissent progressivement place à des sourires complices, le frère Manuel se détache de plus en plus de sa communauté pour s’attacher à Salma qui devient de plus en plus coquette. La première phrase de la ballade sentimentale musicale est le morceau fétiche Malaika interprété par la chanteuse sud-africaine Miriam Makeba, devenant ainsi leur déclaration d’amour réciproque. Cependant, toute histoire d’amour comporte une force antagoniste qui peut séparer le couple.
Dans son court métrage, Angèle Diabang, par le biais d’une écriture scénaristique maîtrisée, a mis en évidence la grande force antagoniste qui compromet la romance : la différence confessionnelle. En témoignent les scènes de culte qui montrent explicitement le fait que les amoureux pratiquent deux religions différentes : le frère Manuel est chrétien, Salma est musulmane. Ce qui rapproche « Un air de kora » du film « David & Fatima » (2008) de Alain Zaloum (réalisateur, scénariste, producteur et monteur égyptien). A cette différence confessionnelle qui complique déjà les choses, s’ajoute le fait que le frère Manuel n’est pas un chrétien ordinaire mais un moine catholique qui a fait vœu de chasteté. Cette situation rend encore plus controversée la liaison que les amants entretiennent et attise davantage la curiosité sur leur devenir.
« Un air de kora » bénéficie d’un scénario original et brillant associé à une réalisation simple, mais efficace. Le tout servi par des acteurs convaincants dans leur interprétation, en particulier Amie-Hélène Sambou, celle qui joue le rôle de Salma son premier rôle au cinéma.
Aina RANDRIANATOANDRO (Madagascar)
2ème Prix du concours panafricain de critique d’art, option Cinéma, organisé dans le cadre du Programme NO’O CULTURES
Une initiative de l’Agence Panafricaine d’Ingénierie Culturelle (APIC), en collaboration avec la Fédération Africaine de Critique Cinématographique (FACC) et la Société SUDU Connexion
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