[ad_1]

www.noocultures.info – L’autonomisation des femmes, l’égalité des genres sont les cris de cœur qui raisonnent dans «Bintou». Sorti en 2001, ce film de 31 minutes est l’œuvre de la réalisatrice burkinabè Fanta Regina Nacro. L’émancipation des femmes fait-elle bon ménage avec les règles établies par la société ?

Ouagadougou,  Vendredi 7 août 2020

Ma chère et tendre amie Bintou ! Je me permets de t’appeler ainsi, car je compatis beaucoup à ta souffrance. Rassures-toi, je ne serai pas longue dans cette missive,  je sais bien comment sont chargées tes journées. J’ai  juste une question à te poser et j’espère que tu recevras  ma lettre et qu’elle ne se perdra pas en chemin, car j’attends impatiemment ta réponse. Tu vis dans le passé et moi dans le présent. Mais malgré ce long voyage dans le temps de 2001 à 2020, il existe des similitudes. En effet, actuellement, nombreuses sont ces femmes qui souffrent comme toi. Elles ont soif de liberté et veulent que l’humanité sache que par le travail, le courage et l’abnégation, elles peuvent contribuer au bien-être de leur famille au même niveau que l’homme et participer ainsi au développement économique de leur pays. Tu me connais. Quand il s’agit de parler de ce genre de sujets,  je suis prolixe.  Alors,  pour éviter de m’égarer dans mes moult analyses et de peur de perdre le fil de mes idées,  j’irai droit au but.

Comment comptes-tu assurer pleinement ton autonomisation financière face à une société décidée à te freiner dans cet élan de liberté ? Etant très impatiente, je me permets d’anticiper ta réponse. Tu me diras certainement que tu te battras pour atteindre ton objectif, quitte à te faire battre par ton mari Abel comme lorsque tu décidas de prendre son argent pour inscrire votre fille Biba à l’école, lui qui privilégie surtout la scolarisation de vos deux fils. « Même si je dois mourir de faim, Biba ira à l’école», as-tu dit. Avec cette phrase qui sort des tréfonds de ton être, tu nous exposes ta détermination digne d’une descendante de la princesse Yennenga, grande amazone des Mossi. Fanta Régina Nacro t’a même fait porter un costume de guerrière pour tout bouleverser sur ton passage.

Mais avant toute chose, pour faire preuve de bonne conduite, permets-moi, mon amie Bintou, de résumer ton parcours pour ceux qui ne t’ont pas rencontré sur leur chemin. «Bintou» est l’histoire d’une femme, qui, malgré le désaccord de son mari et de son entourage, décide de s’émanciper en vendant du mil germé à des vendeuses de dolo  ou bière de mil afin de permettre à sa fille Biba d’aller à l’école, comme ses garçons.

Vous serez  encore plus curieux si je vous disais que ce film qui a le reflet d’un drame est encore plus riche en émotion. En effet, il est parsemé quelques fois d’humour qui vous rendra hilare. Une autre question me vient à l’esprit et cette fois, elle vous est adressée chers lecteurs. Nos sociétés constituent elles des freins à l’épanouissement des femmes?

 Les codes de la société remis en cause

Ah Bintou! Quelle femme es-tu donc? Es-tu devenue folle pour défier sans vergogne ce qui est établit depuis des siècles? Tu es un mystère et tu le demeureras jusqu’à la fin de cette fiction pour ton entourage. La société, tel un aigle à l’affut de sa proie, déploie ses ailes et s’abat sur toi. Son ras-le-bol,  elle te le fait savoir à travers plusieurs personnes qui voient d’un mauvais œil une femme qui décide de prendre  son  indépendance  financière. «Les femmes libres et indépendantes finissent dans la prostitution» ou encore  « Mon fils t’a épousé, c’est pour lui faire des enfants et lui faire à manger», vocifère-t- elle par la bouche de ta belle-mère. Comme si tu n’avais pas suffisamment de problèmes comme cela, ton époux Abel tombe dans son piège et se met à t’épier car pour lui, «Afi Songtaaba» qui est une association de femme possédant une activité économique comme toi, n’est autre que ton amant. Malgré ses accusations, ses mensonges que la société te porte, tu réussis finalement à épauler ton mari dans les dépenses de la maison.

Pour Fanta Régina Nacro, celle qui t’a créée : j’aimerais la remercier de m’avoir permise de faire ta rencontre «Bintou», car tu te présentes à nous sur deux figures. En plus de la fiction, tu as des allures de film documentaire. En effet, tu es un appel à une prise de conscience de l’importance de l’autonomisation des femmes à la fois pour le bien de leur famille, de leur communauté et de leur pays. En plus, en te côtoyant, j’ai eu la sensation d’assister à une représentation de théâtre de sensibilisation. En réalité, la fluidité de l’histoire, les dialogues en langue moré et le ton comique utilisé pour transmettre le message afin que le public concerné soit réceptif, ont renforcé mon ressenti. Pour preuve, ton histoire se termine sur une note joyeuse : la famille est rassemblée autour d’un poulet grillé infect concocté par ton mari. Je te revoie avec tes enfants vous moquer de lui en lui disant de ne plus s’essayer à la cuisine. Ah que ce fut l’un de mes moments préférés en ta compagnie, car je te quittais là en sachant que tu es une femme accomplie et heureuse!

Pour terminer mes propos, «Bintou»,  j’aimerais te rappeler que tu t’inscris dans le cadre de la série «Mama Africa» de TV5MONDE. Aussi, ta ténacité t’a même permise d’obtenir de nombreuses distinctions, entre autres le prix du meilleur court métrage  au FESPACO 2001.

Toutes mes amitiés !

Anaïs KERE (Stagiaire / Burkina Faso)
NB : Article produit dans le cadre de la 1ère session de la formation en critique d’art organisée par l’
Agence Panafricaine d’Ingénierie Culturelle – APIC

[ad_2]

Lien de l’article original

LA REDACTION