[ad_1]
Cesaria Evora m’a saisi en chantant la mer. Presque un paradoxe, moi qui ne sais pas nager. Elle non plus n’avait jamais su, m’avouait-elle en riant aux éclats, le jour où j’ai débarqué chez elle, au début des années 1990. J’étais pour la première fois de passage chez cette humble dame, ancienne chanteuse de bar, qui allait devenir rapidement une star internationale.
C’était à Mindelo, un petit port paisible de Sao Vicente, son île natale, l’une des dix formant le Cap-Vert. Pourquoi cette virée vers cet archipel battu par les vents, à 500 kilomètres des côtes du Sénégal, et où je n’avais encore jamais mis les pieds ? Pour aller humer l’atmosphère dans laquelle vivait celle dont la voix m’avait envahi quand j’ai écouté Mar Azul (« mer bleue »), son troisième album commercialisé en France, en 1991.
Enregistré à Paris, avec pour l’accompagner le Mindel Band, une belle équipe (Bau au cavaquinho, Tey à la batterie, Voginha à la guitare, Humberto au piano), complétée par quelques invités choisis parmi la crème de la musique cap-verdienne (Paulino et Toy Vieira, Luis Morais, Ramiro Mendes, Morgadinho), Mar Azul fut le déclic de mon intérêt pour le Cap-Vert, où je retournerais à plusieurs reprises par la suite. Je ne m’étais pas vraiment arrêté sur La Diva aux pieds nus, en 1988, ni sur Distino di Belita, en 1990. Précédant Miss Perfumado qui contient la chanson Sodade, son succès planétaire en 1992, Mar Azul va marquer le début de l’irrésistible ascension de Cesaria Evora, orchestrée par son manageur franco-cap-verdien, José Da Silva, ancien aiguilleur à la SNCF.
Le jour de ma visite, en posant devant moi une fumante et copieuse assiette de cachupa (prononcez « catchoupa »), le plat national cap-verdien qui mélange haricots, viande de porc et maïs, ma généreuse hôtesse m’a parlé de la mer : « J’aime la contempler, passer des heures à l’écouter, à converser avec elle. » Une confidente bienveillante alors ? Pas toujours. « Elle sépare ceux qui s’aiment. » « O Mar, deta quitinho bo dixam bai/ Bo dixam bai spia nha terra/ Bo dixam bai salva nha Mae… O Mar » (« Ô mer tiens-toi tranquille/Et laisse-moi aller revoir mon pays/Et embrasser ma mère… Ô mer »), chante Cesaria Evora, en créole cap-verdien, dans Mar Azul, la chanson qui ouvre et donne son nom à l’album. Ces paroles portent en creux la douleur de l’exil. Le Cap-Vert compte environ 500 000 âmes. Sa diaspora est estimée à 700 000 personnes. Le dénuement de l’archipel, sa terre ingrate expliquent cette fuite.
Il vous reste 24.26% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
[ad_2]
Lien de l’article original