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Avec des gestes minutieux, Ibrahima Ndoye dispose des fruits de baobab dans une calebasse, au côté de pâte d’arachide et de nougat. Son plan de travail en bois clair parfaitement rangé, il lance la caméra. « Pour bien mettre en avant le produit phare de la recette, il faut penser à tout », explique le Sénégalais de 36 ans. Ce soir-là, le cuisinier blogueur prépare une tarte à base de chapelure et de pâte d’arachide garnie d’une crème pâtissière au bouye. « Le fruit du baobab est riche en vitamines C, mais c’est une substance volatile qui ne supporte pas les cuissons longues », explique-t-il, pédagogue.

Suivi par 130 000 personnes sur YouTube et plus de 150 000 sur Facebook, Ibrahima Ndoye publie chaque semaine des vidéos très regardées. Enregistrées le soir dans sa cuisine transformée en un studio de tournage, elles peuvent dépasser les 500 000 vues quand il s’agit du très populaire plat national, le thiéboudiène, revisité à sa sauce. Le youtubeur aime s’ancrer dans la tradition et n’oublie pas les autres recettes incontournables et emblématiques, comme le mafé ou le mbakhalou saloum, qui lui rapportent le plus de vues et de retours sur les réseaux sociaux.

C’est en 2015 qu’Ibrahima Ndoye a lancé son blog et sa page Facebook, « Les Ateliers de Iba », afin de rendre les recettes africaines et sénégalaises accessibles à tous. « Il est difficile de trouver une recette africaine ou sénégalaise sur YouTube avec des ingrédients précis. J’ai eu un déclic. Pourquoi nous, Africains, pouvons-nous apprendre facilement à cuisiner européen ou asiatique alors que nous ne partageons pas nos propres recettes sur Internet ? Ce n’est pas normal », dit ce père de deux enfants qui travaille dans l’agroalimentaire.

Apporter de la modernité

Au-delà des plats traditionnels, le cuisinier s’attache à proposer des recettes innovantes et modernes, avec des produits locaux comme le mil ou les haricots noirs. « Le fonio est l’un de mes ingrédients préférés, parce qu’il s’utilise dans plein de recettes sucrées ou salées, dans des salades, ou cuisiné avec une sauce d’arachides et de gombos. D’autant que cette céréale proche du quinoa est très digeste », explique-t-il.

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Si ses recettes font beaucoup parler, elles ne font pas toujours l’unanimité. « Certains critiquent mes vidéos, car je sors de la tradition héritée de nos grands-mères pour apporter un peu de modernité à certains plats. Cela ne plaît pas à tout le monde. » Heureusement, la plupart des commentaires sont positifs et les internautes le félicitent souvent.

Plus de la moitié de ses abonnés sont des Sénégalais… parfois du bout du monde. « Je suis suivi par beaucoup de couples mixtes, des membres de la diaspora ou des personnes d’origine sénégalaise qui ont le complexe de ne pas savoir cuisiner leurs propres plats. » Et depuis le lancement de sa chaîne YouTube, le nombre d’abonnés masculins a augmenté de 2 %, constituant près de 20 % de son audience.

Attirer les marques

La place naturelle de l’homme sénégalais n’est pas en cuisine ? « Iba » se bat contre ce préjugé. Une bataille menée par étapes, puisque la première année, cet homme timide montrait uniquement ses mains dans ses vidéos, sans dévoiler son identité. Beaucoup d’abonnés pensaient alors qu’il était une femme… Mais à un moment, face à sa popularité montante, il lui a bien fallu montrer son visage pour que les gens s’identifient à lui et, surtout, pour attirer les marques.

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Car l’engouement autour de son blog l’a poussé à se professionnaliser. Des entreprises ont commencé à le rémunérer pour faire la promotion de leurs produits dans ses vidéos. Pour l’heure, en plus de quelques grandes marques, l’influenceur culinaire s’attache surtout à mettre en valeur les produits d’entrepreneurs locaux et bio. Avant que son rêve de travailler à plein temps sur son projet ne devienne réalité ? « J’aimerais ouvrir des ateliers de cuisine en présentiel chez moi et peut-être développer une activité de traiteur, avec un café où les abonnés pourraient découvrir mes recettes », rêve Ibrahima Ndoye. Comme si Internet n’était qu’une entrée et que le plat de résistance venait après…

Sommaire de la série « L’Afrique a du goût »

Saveurs pimentées, parfums fleuris ou adoucis par un passage en friture, les arts culinaires africains racontent des territoires, des coutumes et une certaine philosophie de la vie. En France, quelques plats sont à la mode, qui régalent les aventuriers du goût. Du yassa au mafé en passant par le thiep au poulet, quelques plats ont déjà laissé leur empreinte sur les palais, servis dans des restaurants qui affichent leur africanité sans préciser de quelle région du continent ils s’inspirent.

Et pourtant, un monde sépare les pâtisseries égyptiennes du fetira éthiopien. Car chaque plat, chaque dessert raconte à lui seul une histoire, un rapport à la terre, aux ancêtres, au climat aussi. C’est pour ouvrir sur ces horizons encore trop méconnus, pour goûter et regarder l’Afrique autrement, que Le Monde Afrique vous offre en guise de série d’été un voyage au cœur de quelques spécialités qu’on ne goûte pas forcément ici, une visite dans les cuisines d’un chef emblématique ou dans un restaurant qu’on ne rate pas.

L’Afrique a du goût et, comme le rappelait le géographe français Jean Brunhes (1869-1930), « manger, c’est incorporer un territoire ».

Episode 1 Dieuveil Malonga, explorateur de la cuisine afro-fusion à Kigali
Episode 2 Sur le pouce ou sur un plateau, la « garantita » fait de la résistance en Algérie
Episode 3 Au Ghana, Selassie Atadika au plus près des saveurs locales
Episode 3 Au Burkina, les chenilles « chitoumou » se dégustent bien grillées
Episode 4 Au Cameroun, « Haira » met les petits plats dans les grandes feuilles
Episode 5 A Madagascar, le chef « Lalaina » cuisine en toute transparence
Episode 6 « Iba », le youtubeur culinaire qui revisite les recettes sénégalaises

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LA REDACTION