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Ici, les bonbons de foie gras se nappent de chocolat 80 % et les camarons, ces crevettes de Madagascar, sont dressés sur les assiettes accompagnés d’une crème aux truffes. Dans le restaurant Le Marais, les clients ne perdent rien de la cuisine du chef Herilalaina Ravelomanana qui s’invente sous leurs yeux, juste derrière la baie vitrée. Tous les jours, celui qu’on surnomme « chef Lalaina » crée un ou deux nouveaux plats après avoir assemblé, mélangé, reniflé les produits pour réaliser les mariages les plus harmonieux. Comme sa dernière gourmandise : la tablette de chocolat fourrée au caviar malgache soufflé.

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Bottes vernies, veste de costume et foulard de soie autour du cou, l’homme est à l’image de ce lieu très couru des Tananariviens : élégant. Dans ce restaurant gastronomique qu’il a ouvert en 2019, le cuisinier de 45 ans avait envie de « montrer tout le travail qui se cache derrière un plat » et la rigueur qui doit régner en cuisine pour offrir la perfection. « Ici, pas de cinéma ou de faux-semblant, dit-il. Si je dois hurler pendant le coup de feu, je le fais. Et si un plat brûle ou des assiettes se cassent, les gens le voient. Montrer la réalité, c’est ma façon de mettre en valeur les métiers de la restauration. »

Premier Africain intronisé à la prestigieuse Académie culinaire de France en 2010, finaliste du trophée mondial de la Toque d’or en 2013… Herilalaina Ravelomanana cumule déjà neuf distinctions et s’est hissé sur les plus hautes marches des podiums internationaux. Comme il aime à le répéter, « jai été distingué partout, sauf à Madagascar ». Et pourtant, le chef Lalaina a choisi de rester dans son pays, où il se dit « bien entouré », entre ses amis et ses trois enfants. Un soutien et une reconnaissance qui suffisent à cet ambassadeur de la Grande Ile.

« Faire honneur au terroir et aux produits frais »

Pour trouver les meilleurs produits, il s’est créé son réseau de petits producteurs, aux quatre coins de l’île, avec qui il entretient une relation privilégiée. Gingembre, café, chocolat ou épices : cet orfèvre du goût a lui-même arpenté son pays pour dénicher les perles. « Faire honneur au terroir et aux produits frais, ça pourrait être ma devise », sourit-il. Depuis l’ouverture du Marais, d’ailleurs, le chef cultive un potager, en lisière de la capitale, pour maîtriser son approvisionnement et servir ses propres fruits et légumes.

Ce natif des hauts plateaux, enfant d’une couturière et d’un gendarme, a été initié tout petit par sa mère. Il se souvient avoir passé beaucoup de temps à ses côtés pour la voir cuisiner malgache et français. Hors de question pourtant qu’il devienne cuisinier, métier peu valorisé à l’époque. D’autant que le petit garçon est plutôt artiste, s’essaie à la danse, dessine les broderies de sa mère, avant de se tourner finalement vers un premier emploi derrière les fourneaux lorsqu’il lui faut gagner un peu d’argent pour financer ses études supérieures. Herilalaina Ravelomanana frappe à la porte d’un premier restaurant, celui de l’Arotel, à Antsirabe, avant d’enchaîner avec le Tana Plaza, à Antananarivo.

« Et là, c’est le déclic, raconte-t-il la voix encore chargée d’émotion. C’est là que j’ai rencontré mon mentor, Philippe Gourio. » L’homme lui apprend tout, de la technique française au choix des produits, en passant par la discipline militaire que nécessitent les arts culinaires. « J’ai passé deux ans à pleurer. Mais j’ai aussi compris que l’organisation était la clé de tout. » Ce qui lui permet aujourd’hui de servir deux ou cent personnes avec la même légèreté. Et si le maître revisite beaucoup ses recettes et innove chaque jour, les tripes noires de porc avec de la viande de bœuf restent son plat préféré de « gargote » – une cuisine de rue qu’il met à l’honneur tous les dimanches lors d’un buffet spécial.

Sommaire de la série « L’Afrique a du goût »

Saveurs pimentées, parfums fleuris ou adoucis par un passage en friture, les arts culinaires africains racontent des territoires, des coutumes et une certaine philosophie de la vie. En France, quelques plats sont à la mode, qui régalent les aventuriers du goût. Du yassa au mafé en passant par le thiep au poulet, quelques plats ont déjà laissé leur empreinte sur les palais, servis dans des restaurants qui affichent leur africanité sans préciser de quelle région du continent ils s’inspirent.

Et pourtant, un monde sépare les pâtisseries égyptiennes du fetira éthiopien. Car chaque plat, chaque dessert raconte à lui seul une histoire, un rapport à la terre, aux ancêtres, au climat aussi. C’est pour ouvrir sur ces horizons encore trop méconnus, pour goûter et regarder l’Afrique autrement, que Le Monde Afrique vous offre en guise de série d’été un voyage au cœur de quelques spécialités qu’on ne goûte pas forcément ici, une visite dans les cuisines d’un chef emblématique ou dans un restaurant qu’on ne rate pas.

L’Afrique a du goût et, comme le rappelait le géographe français Jean Brunhes (1869-1930), « manger, c’est incorporer un territoire ».

Episode 1 Dieuveil Malonga, explorateur de la cuisine afro-fusion à Kigali
Episode 2 Sur le pouce ou sur un plateau, la « garantita » fait de la résistance en Algérie
Episode 3 Au Ghana, Selassie Atadika au plus près des saveurs locales
Episode 3 Au Burkina, les chenilles « chitoumou » se dégustent bien grillées
Episode 4 Au Cameroun, « Haira » met les petits plats dans les grandes feuilles
Episode 5 A Madagascar, le chef « Lalaina » cuisine en toute transparence

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LA REDACTION