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Ce n’est pas un restaurant, c’est un « laboratoire culinaire ». Dieuveil Malonga, 28 ans, insiste sur la nuance. Installé depuis peu à Kigali, ce jeune chef d’origine congolaise veut casser les codes de la restauration traditionnelle et réinventer la cuisine africaine. Au Meza Malonga, qui a ouvert ses portes en mars, les cuisiniers (masqués) dressent les assiettes dans un open space devant les clients, un dîner compte au moins six plats et les mortiers traditionnels côtoient le thermoplongeur.

« Je veux offrir une véritable expérience. J’utilise des épices venant de toute l’Afrique pour créer de nouvelles saveurs », assure Dieuveil Malonga en ajustant les couverts avant l’arrivée des premiers clients de la soirée. Derrière lui on aperçoit, exposés avec soin dans des boîtes transparentes, de l’hirondelle du Gabon, des champignons séchés du Rwanda, des feuilles de curry de Tanzanie ou encore des piments ougandais.

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Le premier plat du menu unique de ce soir – la signature du chef – est intitulé « Homeland ». Dans les assiettes, les filets de capitaine du lac Victoria composent avec un rougail de mangues réunionnais, des grains de couscous cuisinés aux épices d’Agadir, du concombre mariné quarante-huit heures et des feuilles de moringa, le tout arrosé d’une sauce sud-africaine. Autant d’épices et de techniques que Dieuveil Malonga a glanées au cours de ses nombreux voyages à la (re)découverte de l’Afrique, le continent qui l’a vu naître.

Un passage dans l’émission « Top Chef »

Orphelin à 9 ans, il passe les premières années de sa vie au Congo-Brazzaville, élevé par une grand-mère réputée pour ses talents aux fourneaux. Adopté à 15 ans, il part ensuite pour l’Allemagne, où il se dédie rapidement à sa passion : la cuisine. Une fois diplômé, il intègre des restaurants étoilés comme La Vie (Osnabrück) ou Aqua (Wolfsburg), avant de rejoindre l’équipe de l’hôtel Intercontinental de Marseille, en France. Il fera ensuite une apparition sur le petit écran dans l’émission « Top Chef », en 2014. Et lorsqu’il est choisi pour le repas du vernissage de l’exposition « Beauté Congo » à la fondation Cartier, en 2015 à Paris, il est déjà l’étoile montante de la cuisine afro-fusion, proposant ses plats lors de nombreux événements en lien avec le continent.

Alors pourquoi décider d’ouvrir son premier restaurant gastronomique au Rwanda, un pays pas plus grand que la Bretagne, où près de 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et où la classe moyenne est pratiquement inexistante ? « Au début, personne ne m’a soutenu dans ce projet. Tout le monde, mes amis et même mon banquier, me demandaient ce que j’allais faire là-bas », admet Dieuveil Malonga dans un sourire. Le jeune chef mise cependant sur la politique volontariste du gouvernement de Paul Kagame pour faire du Rwanda une destination de tourisme de luxe et de Kigali un hub de conférence. Avec un menu à 80 euros (tombé à 50 euros depuis de début de la crise de Covid-19), le restaurant s’adresse donc en priorité aux visiteurs de passage dans la capitale, entre un trek pour voir les gorilles et un safari dans le parc de l’Akagera. Mais bien que le tourisme soit au point mort depuis quelques mois, Dieuveil Malonga assure afficher complet tous les soirs.

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Passant de table en table, il présente à chaque client les plats et les produits utilisés. « Une bonne cuisine, ce n’est pas le chef, ce sont d’abord les produits. Quand on connaît leur histoire, on apprend à les respecter », explique-t-il. Alors que le pays des mille collines n’a pas de tradition culinaire reconnue comme l’Ethiopie ou le Sénégal, l’équipe du Meza Malonga s’est donné pour mission de mettre en valeur les produits du terroir rwandais. A l’instar de la prune du Japon, ce fruit rouge bordeaux à la chair acidulée, plus connu dans la région sous le nom de « tamarillo ». « Je l’ai découvert au Rwanda et c’est devenu mon fruit préféré ! J’en fais des sorbets, des jus, des salades et des alcools », lance Dieuveil Malonga.

Ecrevisses rwandaises, chocolat tanzanien

Tous les produits frais servis à table viennent d’une ferme près de Kigali ou de petits producteurs basés dans le district de Musanze (nord-ouest). C’est là, au bord des « lacs jumeaux », dans l’ombre de l’imposant massif des Virunga, que Dieuveil Malonga se rend deux fois par mois avec les cinq jeunes cuisiniers rwandais qu’il est en train de former. Dans cette région qu’il apprécie pour sa terre volcanique particulièrement fertile et son agriculture vivrière, il entreprend de leur inculquer la philosophie de son restaurant et les emmène à la découverte des techniques traditionnelles d’agriculture et de pêche.

« Je veux leur montrer le parcours du produit, de l’origine jusqu’à la table. Je veux qu’ils comprennent qu’il y a des personnes, un travail et une histoire derrière chaque plat que nous proposons », assure-t-il. Assis dans des pirogues traditionnelles, ses jeunes apprentis ont ainsi découvert que le lac Ruhondo, situé près de la frontière ougandaise, recelait des écrevisses. Ils ont également suivi leur mentor jusqu’en Tanzanie, où ils ont pu observer la fabrication du chocolat.

En composant ainsi le récit d’une cuisine africaine raffinée et moderne, Dieuveil Malonga se veut le prophète d’une gastronomie d’un nouveau genre, qu’il espère populariser sur le continent. Car si l’expérience du Meza Malonga est un succès, il voudrait ouvrir une dizaine d’enseignes sur le même concept dans différentes capitales africaines.

Sommaire de la série « L’Afrique a du goût »

Saveurs pimentées, parfums fleuris ou adoucis par un passage en friture, les arts culinaires africains racontent des territoires, des coutumes et une certaine philosophie de la vie. En France, quelques plats sont à la mode, qui régalent les aventuriers du goût. Du yassa au mafé en passant par le thiep au poulet, quelques plats ont déjà laissé leur empreinte sur les palais, servis dans des restaurants qui affichent leur africanité sans préciser de quelle région du continent ils s’inspirent.

Et pourtant, un monde sépare les pâtisseries égyptiennes du fetira éthiopien. Car chaque plat, chaque dessert raconte à lui seul une histoire, un rapport à la terre, aux ancêtres, au climat aussi. C’est pour ouvrir sur ces horizons encore trop méconnus, pour goûter et regarder l’Afrique autrement, que Le Monde Afrique vous offre en guise de série d’été un voyage au cœur de quelques spécialités qu’on ne goûte pas forcément ici, une visite dans les cuisines d’un chef emblématique ou dans un restaurant qu’on ne rate pas.

L’Afrique a du goût et, comme le rappelait le géographe français Jean Brunhes (1869-1930), « manger, c’est incorporer un territoire ».

Episode 1 Dieuveil Malonga, explorateur de la cuisine afro-fusion à Kigali

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LA REDACTION