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Paris comme Antananarivo se refusent à parler d’un raté et préfèrent évoquer un simple contretemps. C’est, quoi qu’il en soit, un faux départ pour la pièce de collection du Musée de l’armée qui devait s’envoler par valise diplomatique vers la capitale malgache avant le 26 juin, date de célébration du 60e anniversaire de l’indépendance de l’ancienne colonie française. Après un bref séjour dans un entrepôt, la « couronne » a finalement regagné son emplacement.
Haute de 70 cm et d’un diamètre de 35 cm, la coiffe de zinc doré garnie de tissu ocre et grenat repose à nouveau dans la vitrine consacrée à Madagascar, au-dessus d’un casque de cadet de la garde de la reine Ranavalona III et de plaques d’identité de coolies du corps expéditionnaire malgache de 1897, dans la salle Joffre dédiée à l’armée coloniale pendant la première guerre mondiale.
« Il ne s’agit pas d’une couronne au sens où on l’entend communément, s’empresse de préciser Ariane James-Sarazin, directrice adjointe du Musée de l’armée, cette pièce est un élément décoratif en forme de couronne qui coiffait le dais utilisé par la reine Ranavalona III lors des événements solennels appelés Grand Kabary au cours desquels elle s’adressait à la population. » Il a notamment servi lors du discours exhortant à prendre les armes contre les troupes françaises pour s’opposer à l’instauration d’un protectorat en 1895.
Confusion entre deux objets
Ce sommet du dais royal a été donné au Musée de l’armée en 1910 par le notable réunionnais George Richard, sans que les conditions dans lesquelles il en prit possession soient connues. « Nous savons que George Richard a fait partie du bataillon des volontaires de la Réunion [engagé dans la conquête de Madagascar] de 1884 à 1886. Il a fait un second séjour sur l’île de fin 1895 à juin 1896, mais il n’était plus militaire. Ce n’est donc pas une prise de guerre », ajoute Mme James-Sarazin.
Ces précisions sont tout sauf anodines. Dans la lettre adressée à Emmanuel Macron et remise au ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian lors de sa visite à Madagascar le 20 février, le chef de l’Etat Andry Rajoelina réclamait en effet la restitution de « la couronne royale de la dernière reine de Madagascar, Ranavalona III », comme l’a rapporté La Tribune de l’art, dans son édition du 22 juin.
De quoi semer le trouble. La couronne de cette reine déposée par les Français et contrainte l’exil à Alger où elle mourra, est en vermeil orné de sept fers de lance représentant les sept maisons princières et surmontée d’un aigle. Elle a, selon la version officielle, été dérobée dans le palais d’Andafiavaratra, situé sur la colline royale d’Antananarivo en 2011. Le vol n’a jamais été élucidé mais des bruits ont couru il y a deux ans selon lesquelles ce symbole de la royauté merina se trouverait à Paris. Ces rumeurs persistantes sont-elles à l’origine de la confusion entre les deux objets ?
« Nous avons rapidement vérifié avec le gouvernement malgache que nous parlions bien de la même pièce et il n’y a aucun doute sur cela », témoigne une source diplomatique en précisant que dès connaissance de la requête malgache, Paris « a très vite donné un accord de principe et tout mis en œuvre de façon à être prêt pour le 26 juin », date anniversaire de l’indépendance. « Dans le contexte du Covid-19, la tâche était compliquée mais la demande de Madagascar s’insère dans une priorité forte du président Macron », rappelle cette source, en faisant référence au discours de Ouagadougou de novembre 2017 dans lequel, l’engagement a été pris que « d’ici à cinq ans, […] les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain à l’Afrique ».
Le giron national
Pourquoi avoir renoncé alors au dernier moment à ce transfert ? Les autorités malgaches, qui s’étaient lancées dans cette requête sans avoir pris l’avis de leurs experts en la matière, se sont semble-t-il aperçues tardivement que la France ne pourrait leur offrir une véritable restitution avec un transfert de propriété et qu’il leur faudrait se contenter d’une convention de dépôt pour une durée de quelques années. Cette solution juridique d’un prêt de long terme a encore récemment été utilisée dans le cas de la « restitution » du sabre attribué à El Hadj Omar Tall au Sénégal en 2019. En France, les objets appartenant aux collections nationales demeurent en effet inaliénables et incessibles en vertu du droit sur le patrimoine. Seule une loi spécifique pourra autoriser la cession définitive d’un objet. Et elle ne pouvait être préparée et votée en un délai aussi court.
Ce compromis a certainement été jugé insuffisant pour en faire une victoire digne d’être annoncée lors du 60e anniversaire de l’indépendance. M. Rajoelina a donc fait savoir au gouvernement français qu’il préférait attendre que la voie législative soit conduite à son terme pour procéder à la restitution.
Ce rebondissement « n’a été la source d’aucune tension », assure Paris en repoussant tout rapprochement avec un autre dossier de restitution autrement contentieux : celui des îles Eparses, disputées à la France depuis les années 1970 et que le président malgache s’était imprudemment engagé à ramener dans le giron national pour le 26 juin.
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