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Non loin des représentations parisiennes des britanniques Christie’s et Sotheby’s, la maison de vente aux enchères Piasa se prépare à un moment d’exception. C’est dans un ancien hôtel particulier datant de la fin du XVIIIe siècle, première boutique du couturier Pierre Cardin, que se tiendra mercredi 24 juin une importante vente d’art contemporain africain, en partenariat avec la maison sud-africaine Aspire.
Pas moins de 172 œuvres (de 500 à 200 000 euros, pour un objectif total de quelque 2 millions d’euros), représentant 106 artistes de 19 pays (Tunisie, Sénégal, Mali, Côte d’Ivoire, République démocratique du Congo, Kenya, Ethiopie, Mozambique, Zimbabwe, Angola… et bien sûr Afrique du Sud), seront mises à prix.
« Alors que les déplacements, les activités économiques et les événements culturels sont [quasiment] à l’arrêt, les artistes africains confirment leur agilité à nous alerter sur l’état du monde. Ils nous nourrissent, nous encouragent à nous interroger (…). Pour dénoncer l’urgence environnementale, les conséquences de l’urbanisation, les excès engendrés par la globalisation et les risques sous-tendus par les inégalités internationales », précise Christophe Person, directeur du département art contemporain africain chez Piasa.
Créée en 1996, cette maison du 118, rue du Faubourg-Saint-Honoré, dans le VIIIe arrondissement à Paris, aujourd’hui propriété d’un groupe d’investisseurs privés, est spécialisée dans le design (scandinave, italien, brésilien, voire chinois et américain), mais se tourne aussi de plus en plus vers l’Afrique depuis 2016.
Fusain, huile, acrylique
L’un des artistes phares de la vente du 24 juin est le Sud-Africain William Kentridge. Son œuvre Drawing from Johannesburg, 2nd Greatest City after Paris est estimée entre 190 000 et 250 000 euros. Son personnage Soho, créé en quelques traits de fusain sur papier, est le symbole ultime de la cupidité excessive, inspiré par le théâtre de l’absurde d’Alfred Jarry et sa pièce Ubu roi. Si l’artiste fait de l’ombre à beaucoup d’autres, à ses côtés seront aussi présents de nombreux peintres et plasticiens qui ont déjà une jolie cote.
Chéri Samba en est un bel exemple. Avec lui, c’est un autre univers qui s’ouvre, un monde de couleurs. Les tableaux de l’un des leaders de la peinture populaire de RDC sont très figuratifs et narratifs, puisant dans un répertoire iconographique emprunté à la vie quotidienne, à l’art urbain et à l’imagerie publicitaire. Entre fausse naïveté et vrai engagement, l’artiste n’hésite pas à se mettre en scène dans ses œuvres où il joue un rôle d’observateur.
Et rien ne dit qu’il ne sera pas aux premières loges de ce qui est aussi un moment de vérité pour l’artiste. Comme son compatriote Zemba Luzamba, dont les huiles sur toile font preuve d’un étonnant réalisme et qui se réjouit du regard du public sur son travail, estimant qu’« il y a un sentiment d’émerveillement dans la façon dont votre art est perçu ».
Egalement de RDC, Eddy Kamuanga interroge l’effacement de la culture traditionnelle pendant et depuis la période coloniale. Ses personnages sont imprégnés jusque dans leurs chairs des richesses du pays, avec la représentation de circuits imprimés qui contiennent du minerai de coltan, conducteur très prisé notamment pour les téléphones portables et dont le pays détient au moins 60 % des réserves mondiales connues. Habillés de tissus africains et occidentaux, ils semblent comme un peu perdus entre leurs origines et le monde d’aujourd’hui.
D’autres voient dans cette vente un moyen de franchir des étapes. Ainsi, le Nigérian Wole Lagunju, dont le portrait d’une jeune femme habillée à l’occidentale sur un fond chamarré sera proposé aux enchères, estime que « cette vente est très enthousiasmante ». Lors d’une précédente, sa peinture Vintage Glamour 1965 avait atteint les 22 000 euros, pour une estimation entre 5 000 et 8 000 euros. L’artiste espère donc un nouveau « tournant », une nouvelle occasion pour son travail « d’être validé par les collectionneurs, grâce notamment à la solide réputation de Piasa ».
Il peut y avoir aussi une « recherche d’adrénaline propre à une vente aux enchères, qui est bien sûr une vitrine, même si le prix ne définit pas systématiquement la cote de l’artiste », rappelle le Kényan Evans Mbugua, qui travaille le verre et le Plexiglas pour sublimer ses œuvres par la brillance et les reflets. Mais, sage, l’artiste ne s’emballe pas et rappelle que « le jeu s’arrête là ! ». L’art est une affaire trop sérieuse…
D’ailleurs, depuis une dizaine d’années, les collectionneurs comprennent que l’art contemporain africain offre des nouvelles histoires à raconter, rassemblent une étonnante diversité, tant au niveau des techniques employées que des messages envoyés. Même si quelques marchés nationaux s’installent doucement, comme au Nigeria ou en Afrique du Sud, il reste abordable comparativement aux prix de l’art classique ou tribal qui peuvent atteindre des sommets.
« Un art qui transcende la politique »
En attendant l’éveil de ce marché sur le jeune continent, l’Occident, elle, s’y intéresse de plus en plus près. Depuis l’exposition « Les Magiciens de la Terre » au Centre Beaubourg et à la Grande Halle de La Villette en 1989, qui présentait notamment pour la première fois en France de l’art contemporain non occidental, les grands rendez-vous se sont multipliés : « Africa Remix » également à Beaubourg en 2005, « Beauté Congo » à la Fondation Cartier en 2015, le photographe malien Seydou Keïta au Grand-Palais en 2016, la triple exposition à la Fondation Louis Vuitton en 2017…
« L’engouement pour l’art contemporain africain est assez récent », relativise Christophe Person. « Première Foire 1.54 à Londres en 2013, puis maintenant à New York et à Marrakech, Biennale de Venise en 2014 qui a mis l’accent sur les artistes du continent, foire annuelle AKAA au Carreau du Temple à Paris depuis 2016 », énonce-t-il.
Avant de se réjouir que « dans les messages qu’il véhicule, cet art transcende la politique pour s’intéresser aux sujets de société mondiaux dans une vision que, nous, Occidentaux, nous ne pouvons percevoir. Et c’est cela qui plaît aux collectionneurs, toujours à l’affût de nouveautés », pointe le spécialiste.
D’ailleurs, les artistes africains eux-mêmes ne veulent plus être perçus comme « exotiques », vus d’une façon hyperesthétisée, hypersexuée, hyperviolente, voire hyperservile. « Aujourd’hui, on voit qu’ils inventent le corps noir. Ils le représentent dans toute sa réalité : des personnes normales, menant des vies familiales et au travail comme tout le monde. Bien loin des fantasmes occidentaux », poursuit M. Person.
Témoin le Ghanéen Ablade Glover, qui s’immerge dans les foules et dont les huiles réalisées avec la technique du couteau agrègent de multiples personnages esquissés et très colorés, donnant un aspect vibrant à ses tableaux.
Ou le Congolais Tsham qui excelle dans la précision et dont les tableaux réalisés au stylo à bille sur papier, avec parfois une touche d’aquarelle, mettent en scène des statuettes dans un environnement villageois. Une dose de modernité au cœur d’un monde ancien.
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