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Une enfance au soleil, à Alger, qui restera pour toujours son pays de cœur, en opposition farouche avec des adultes qu’il vomit. Une scène le marque : un jour, son beau-père, chef d’entreprise, fait le tour des machines. Un Maghrébin se coupe des doigts, et, au lieu de compatir, le voilà qu’il hurle sur son ouvrier en le traitant de bon à rien : « Tu as tout salopé avec ton sang, nettoie ! »
Cette brute frappe également sa femme, qui se venge en tapant à son tour sur son fils « avec des objets lourds », racontera plus tard Guy Bedos. Hildeberte Verdier, mère despotique qu’il hait et aime à la fois. « J’ai adoré cette femme qui était tout ce que je déteste en tant qu’être humain, confiait-il un jour à l’animatrice Mireille Dumas. Elle était raciste, antisémite… Elle a dit devant moi : Des juifs et des Arabes qui s’entretuent, ça fera toujours ça de moins… » Une violence physique et psychologique qui feront de lui un « antiraciste obsessionnel ». « Je me suis construit à l’inverse de ce que j’ai subi », résumait-il.
La scène comme remède
En 1950, la famille rentre sur Paris, il suit dans les bagages et déprime sévèrement. Un médecin lui conseille le théâtre, pour lui une révélation, pour sa mère un métier sans avenir… Il intègre l’école de la rue Blanche et tente, sans succès, d’entrer au Conservatoire d’art dramatique. À défaut de diplôme, il se fait des copains, parmi lesquels Jean-Paul Belmondo qui reconnaît vite en Guy un partenaire de rigolade. Bedos a seulement 17 ans quand il suit Bebel dans une tournée improbable dans les Pyrénées, à jouer dans des campings et des salles miteuses. C’est le temps de la bohême, des premiers cachets, des premiers flirts… Il crèche un temps chez une copine sans le sou, dans le bidonville de Pontault-Combault, et tire le diable par la queue – ses parents ont fini par lui couper les vivres. Pour ne rien arranger, la guerre d’Algérie éclate, l’armée se rappelle à lui : il entame une grève de la faim et parvient à se faire réformer pour maladie mentale. « Pour ne pas aller tirer sur les copains d’enfance », expliquera-t-il plus tard.
Il cherche à percer comme les autres, en courant les essais et les places dans les cabarets, et fait ses premiers sketches à La Fontaine des Quatre-Saisons, où il croise Boris Vian, Maurice Béjart ou Jacques Prévert qui l’encourage à écrire ses textes. Le jeune Bedos écume alors les petites salles où Belmondo et Marielle viennent faire la claque. En 1963, un producteur a la bonne idée de regrouper ses meilleurs sketches dans le film Dragées au Poivre, qui se taille un joli succès. Le voilà lancé… L’histrion tient l’affiche à Bobino avec Barbara puis enchaîne en duo avec sa compagne du moment, Sophie Daumier, dans des saynètes qui font se gondoler la France, comme « La drague » ou « Les vacances à Marrakech », où il pastiche un Français moyen lourdingue et raciste. Entre Fernand Reynaud et Raymond Devos, Bedos impose son ton dans le one-man-show français.
Gauche caviar
Il n’oublie pas pour autant le théâtre ou le cinéma, notamment dans le sillage d’Yves Robert qui lui trouve des rôles sur mesure dans Un éléphant ça trompe énormément ou Nous irons tous au paradis. C’est l’époque où il s’engage sur le terrain politique et s’attaque au président Giscard sans sommation, avant de passer à Jacques Chirac. Il s’en donne à cœur joie, tire à boulets rouges, le pouvoir grince, son public en redemande, tandis que la droite en fait l’incarnation parfaite de la « gauche caviar ».
Avec Mitterrand, les rapports seront plus feutrés : Bedos est fasciné par sa culture, il se trouve invité au palais, mais continue à distribuer ses piques. « Ça devient dur d’être de gauche, surtout quand on n’est pas de droite », lance-t-il dès 1983, au moment où le gouvernement choisit une politique de rigueur. « Vous y allez fort quand même », lui glisse parfois le président. Quand on veut lui remettre la Légion d’honneur, il préfère décliner. Et finit définitivement écœuré en apprenant les liens du leader de la gauche avec Vichy et Bousquet.
Le libertaire ne lâche rien, continue à cibler la droite de Sarkozy, son meilleur client, pulvérise régulièrement la famille Le Pen, qui réplique par des procès, crie son ras le bol sur scène dans des revues de presse décapantes, s’engage sur tous les fronts, au côté de Droit au logement, de la Ligue des droits de l’homme, milite pour le droit de mourir dans la dignité, soutient l’innocence d’Yvan Colonna, manifeste encore en faveur des migrants de Calais à 80 ans… Toujours debout, toujours insoumis.
La Corse, son « Algérie de rechange »
Dès qu’il le peut, il rejoint la Corse, son « Algérie de rechange », retrouver le calme et recevoir ses proches. Là, il recharge ses batteries, prépare ses munitions, peaufine ses textes et s’arrange avec ses fantômes… Pas une journée où il ne pense aux disparus, confie-t-il dans ses souvenirs (Mémoires d’outre-mère, éd Stock), notamment aux femmes qui ont partagé sa vie. La première, Karen, mère de leur fille Leslie, se suicidera bien plus tard, à l’approche de la soixantaine. Mais aussi Françoise Dorléac, un temps sa fiancée, disparue trop vite dans un terrible accident de voiture. Et enfin Sophie Daumier, épousée en 1965, sa compagne de scène, dont il divorce en 1977. « Elle était devenue invivable, a-t-il raconté un jour à l’animatrice Mirelle Dumas. J’ai su un an après qu’elle était atteinte de la maladie de Huntington. Je m’en suis voulu, parce que si j’avais su qu’elle était malade, je ne serais pas parti… » C’est l’époque où naît Mélanie, sa seconde fille, « d’une liaison d’intérim entre mes deux mariages », précisera l’artiste dans ses mémoires.
Il rencontre alors Joë, une danseuse, avec laquelle il aura Nicolas et Victoria, « les seuls de mes quatre enfants que j’ai véritablement élevés ». Ces deux derniers assurent déjà la relève dans le milieu du spectacle. Victoria a connu un joli succès en coécrivant le scénario du film La Famille Bélier, sorti en 2014. Quant à son frère Nicolas, humoriste et chroniqueur, il a eu la chance de diriger son père dans ses pièces Sortie de scène ou Le Voyage de Victor. Pour l’ancien de la rue Blanche, qui a tant galéré pour s’imposer à ses débuts, sa plus grande fierté fut de voir le nom des Bedos continuer à briller en haut de l’affiche.
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