Comment la culture peut contribuer au développement en Afrique ? C’est un sujet qui pourrait paraître banal pour certains , mais à « eartiste », nous estimons qu’il vaut largement son pesant d’or surtout dans une Afrique qui peine à concrétiser son développement, peut être par manque de bonne source d’inspiration, en voulant un développement sur des modèles exogènes. Justement, la source d’inspiration peut venir de notre culture endogène, en alliant cette dernière au progrès et au combat social . Naturellement, pour éplucher le sujet , il faut se référer aux acteurs culturels, eux-mêmes . C’est bien l’exercice auquel se livre notre portail culturel, depuis quelques temps. En début du mois, nous sommes allés à la rencontre d’un rappeur et graphiste togolais qui vit depuis quelques années à Niamey au Niger dans le cadre de ses activités professionnelles. Dans un entretien, Severin Mawulolo Nouwossan alias Sonii Blackbone nous parle de sa carrière musicale, ses motivations pour le rap mais aussi de ses projets d’avenir . Bien sûr, Sonii Blackbone nous explique, selon lui , comment la culture peut contribuer au développement de son pays. Interview.
Bonjour. Tout d’abord présentez-vous à nos lecteurs.
Bonjour. Comment vous allez ? Moi c’est Sonii Blackbone et Mawulolo Nouwossan a l’État civile. Franchement, la musique je suis tombé dedans par hasard. J’en écoutais assez, surtout les génériques des dessins animés quand j’étais plus jeune. J’adorais aussi écrire ; du coup j’ai vu des aînés faire du Rap, j’étais curieux, ça m’a plu, j’ai essayé et direct j’ai été accroché. Et depuis je vis avec cette musique. J’en écoute à longueur de journée… Je suis à l’écoute de nouvelles sorties, j’aime m’informer sur ce qui sort et voir comment évolue ce genre musical . Ça me permet aussi d’évacuer le stresse, la pression et surtout la rage… Ça se sent d’ailleurs quand je kick ( rap, cogne, frappe, ndlr) . C’est la meilleure façon que j’ai découvert de pouvoir calmer mes démons.
Parlez-nous un peu de votre nouveau tube « BBKPT » qui cartonne actuellement .
En vrai, ce n’est pas un nouveau single. Il était déjà sorti sur ma mixtape « The Winter Battlefield » sortie en 2017. J’ai juste décidé comme ça courant 2018 de faire cette vidéo… C’est une chanson que j’ai écrite à une période assez sombre de ma vie. Les choses n’allaient pas vraiment bien et au lieu de chanter le désespoir j’ai voulu dire aux autres vivant une situation pénible dans le monde que c’était possible de s’en sortir et améliorer les choses…j’ai mis mes tripes, assez de rage dans cette chanson. A la fin de l’enregistrement mon ingénieur son m’a dit que j’avais fait fort. C’était assez profond….hard… A la fin de la session j’étais intérieurement un peu apaisé aussi je m’étais assez défoulé . Et la chanson parlait beaucoup…Bon nombre de personnes vont s’y retrouver et on a décidé de faire une vidéo assez conceptuelle juste avec les acteurs.
Vous êtes Togolais mais vous avez décidé de vous installer au Niger dans le cadre de votre deuxième activité professionnelle qui n’est tout autre que l’infographie. Dites, comment ça se passe là-bas. Pensez vous avoir fais un bon choix ?
Chaque jour je me demande si j’ai fais le bon choix. Dès que je me réveille je me pose la question. J’ai tout laissé derrière et je suis ici…j’ai toujours pas la réponse . Mais j’avance je fais mes affaires . Je suis graphiste dans l’une des grandes agences de communication du Niger et j’ai lancé en 2018 mon propre studio de création graphique. Pas vraiment facile de gérer musique et graphisme… C’est tous deux des domaines artistiques mais pas facile de les gérer. Du coup je suis beaucoup plus le graphiste businessman que l’artiste rappeur. Mais ça va plutôt bien, je m’accroche .
À Niamey où vous vivez, vous continuez à faire vendre la musique togolaise dans un contexte qui ne vous ait pas nécessairement favorable. Vous faites du Rap en français mais surtout dans nos dialectes togolais. Comment arrivez vous à imprégner votre musique là-bas ?
Comme je viens de le dire je ne suis pas a fond dedans comme quand j’étais à Lomé… Mais les gens ici quand ils me découvrent sont très souvent émerveillés et stupéfaits , du genre c’est ce mec qui fait ça ??? Il est black ? On dirait un français dans son accent… Avec un physique pareil où est ce qu’il trouve cette énergie ??? Ceux qui sont un peu plus cultivés me valident direct surtout pour ma plume, mon écriture… Je sors rarement mais quand je le fait c’est plutôt bien et funny…Le niveau du game ici aussi est un peu en retard par rapport a Lomé… Le mouvement stagne encore ici malgré les moyens qu’il y’a. La religion aussi permet pas trop ça mais tranquille je suis dans mon couloir aussi je gère mes bails oklm ( au calme, ndlr).
Vous étiez dans le mouvement culturel et artistique « Afrikavi » à Lomé . Parlez-nous un peu de ce mouvement.
Afrikavi, petit africain, fils d’Afrique… C’est aussi le nom de mon label… C’est un concept qui prône notre appartenance à l’Afrique. On est ce qu’on est et on est fier de l’être, fier de le représenter partout. Fils d’Afrique dans la tête, le sang, la peau et dans l’âme… Je crois bien que ce continent c’est l’avenir . Il est plus riche que tous les autres sur tous les points mais le pillage continue. Maintenant c’est même notre musique que « le blanc » ( Européen, ndlr) vient s’approprier. Universal Afrique c’est bien, Jaime l’opportunité donné aux talents africains d’explorer les scènes internationales mais a quel prix ? Un gros sujet. Bref Afrikavi c’est ce par quoi nous nous identifions dans tout ce que nous faisons dans notre label musicalement et humainement si je peux dire.
Justement, comment pensez vous que la culture, notamment la musique, peut contribuer au développement de votre pays et de l’Afrique en général ?
Le rap peut contribuer énormément par ce-qu’il y a des messages qui impactent dans les morceaux rap: À part le côté bling bling y’a ce côté révolutionnaire et revendicatif dans le rap qu’il ne faut pas ,surtout pas, sous estimé. On a vu les rappeurs au Burkina…smokey et ses gars… Et même au Togo la belle époque de Maniac Team avec les messages de conscientisation dans leurs morceaux . Kamal et sa lettre à la jeunesse béninoise. Toujours au Bénin on a le groupe Diamant noir et Cotonou City Crew qui contribuent à travers le rap à beaucoup dans la culture du Pays. Au delà du fait d’avoir le pouvoir d’impacter les gens la musique hip hop est un véritable business. L’industrie musicale hip hop est un véritable grenier rempli d’opportunités. Ça commence à prendre en Afrique et on voit ce que cela donne. Perso la musique hip hop, le rap à sa contribution à apporter au développement d’un pays, une société, une communauté.
Enfin quels sont vos projets d’avenir ?
Projet d’avenir ? J’amasse le blé d’abord ( Rire) . J’ai pas mal d’idées…je travaille dessus. Je veux faire un truc différent sans pour autant perdre cette partie de rappeur lyriciste et kickeur que les gens me connaissent… 2019 vient de commencer on va pas à pas mais y’a pas mal de truc au four…Ça arrive. Mon avenir, comme je le dis à chaque fois, Sonii Blackbone doit et va être à la tête du plus grand label, le plus grand Entertainment business de l’Afrique. Un label africain, pour les africains qui ira s’asseoir à la table avec les trois autres majors qui dominent l’industrie du disk actuellement… C’est l’objectif : Être une version africaine améliorée de P diddy et Jay-Z…Black Excellence. C’est mon rêve.
Propos recueillis par Charles AYI
Pour télécharger la musique de Sonii Blackbone , cliquez sur le lien : http://www.hauteculture.com/mixtape/19340/the-winter-battlefield