Au Bénin, le tourisme a le vent en poupe. Et pour cause, en plus des cultes endogènes qui cristallisent les curiosités, le pays regorge d’immenses ressources naturelles et un écosystème attrayant. C’est le cas de Gogotinkpon, un village lagunaire situé en bordure du lac Ahémé ( Sud-ouest), à 60 km de Cotonou . Dernier village du département de l’Atlantique aux portes de celui du Mono, Gogotinkpon qui est peuplé de 10.050 habitants vivant essentiellement de la pêche et de l’agriculture, est un conglomérat de huit hameaux dont celui qui a donné son nom à l’ensemble formant l’entité territoriale, elle-même. Mais si aujourd’hui le village est un lieu touristique très prisé , c’est aussi grâce aux efforts d’un fils de la région qui, vent debout, se bat pour que son village soit de plus en plus valorisé. Lui, c’est bien sûr, Dieudonné METONOU, un Journaliste très attaché aux richesses de son village. Justement, ce sont ces richesses qu’il expose à travers les visites touristiques qu’il organise avec succès depuis 2017. Dans un entretien accordé à eArtiste, ce communicateur nous raconte un peu l’histoire de son village en indiquant dans cette logique, ce qui l’a motivé à lancer son projet touristique. M. METONOU nous parle également de ses projets dans le futur ainsi que les efforts déployés pour , de mieux en mieux, faire de Gogotinkpon, une vitrine en matière de tourisme au Bénin. Interview.
Bonjour. Tout d’abord, Présentez-vous , pour ceux qui ne vous connaissent pas.
Je suis Dieudonné METONOU, journaliste à la radio du Parlement Béninois ; amoureux de mon village et ses atouts naturels et humains. Initiateur du circuit touristique dénommé »détour par la route de l’eau » ou par Gogotinkpon du nom de mon village, j’aime la campagne et les oiseaux.
Comment êtes-vous arrivez à la création de ce circuit touristique ?
Je suis arrivé là parce que je suis chez moi et parce que j’ai fait plusieurs expériences dans ma petite vie ; lesquelles expériences ont concouru à la maturation de l’idée de faire profiter à mes concitoyens, les avantages de mon beau paysage ainsi que ses atouts…En effet le site touristique « Détour par Gogotinkpon » est construit autour de la curiosité que suscite le nom Gogotinkpon qui peut vouloir signifier : » les popotins ont essayé » ou « les popotins sont capables ». Or en réalité, les ressortissants de ce village ne donnent pas la même connotation à ce nom. En 2017 Je fis une expérience qui sonna comme un déclic dans ma tête: alors que nous étions en plein échange avec un de mes professeurs, celui-ci décide de marquer une pause par un récit loin de l’authentique, reconnu par la communauté de Gogotinkponmè à laquelle j’appartiens. J’ai spontanément décidé d’éclairer les témoins en restituant ce qui suit:
Le village Gogotinkpon en réalité s’appelle Gogotinkponmè. Mais deux diminutifs sont employés pour le désigner. Ceux qui y résident le désignent beaucoup plus par Gogo et les non-résidents, du fait de la domination de la langue fongbé, utilisent beaucoup plus le second diminutif Gogotinkpon. Alors, quel est finalement le sens authentique du nom de mon village ? Gogotinkpon est généré par une anecdote aussi vieille que l’apparition de cette bourgade vers la fin des années 1800 : les pêcheurs de la région du lac Ahémé au Sud-ouest du Bénin prennent le principal chenal de ce cours d’eau qui longe une bonne partie du territoire de ce qui allait devenir une entité territoriale administrative. Un îlot inhabité leur permettait d’accoster pour livrer leurs captures et aussi les pièges à poissons ou autres espèces halieutiques : le Xa du roi Zounon à Guézin, étaient également une source d’approvisionnement des poissons que les » marayeuses » venaient acheter. Ce genre de marché devenu régulier, a favorisé le contact entre les acteurs et les hommes qui s’appliquaient à faire des avances aux femmes lors des causeries qui suivirent souvent les moments de transactions. Certains pour exprimer leur désir pour une femme n’hésitaient pas à tapoter les fesses de cette dernière. Et par finir les femmes indiquent qu’elles vont acheter du poisson là où on leur tapote les popotins. »Mi na yi fié énon tin gogo nou mi dé boyixo houévi ». voilà à peu près l’expression telle reconnue pour témoigner de ce fait, d’un passé lointain mais qui est bien véhiculé depuis ses débuts. Le nom étant resté collé au hameau instauré sur cet îlot et mieux à l’ensemble de l’entité village qui sera créé plus tard par l’État.
L’écosystème lacustre favorable à la vie et à la renommée de Gogotinkpon…
Gogotinkponmè, regorgeant de richesses culturelles favorisées par un brassage des groupes socioculturels (Xwela, Xwla, Fon, Minan etc ). Abrite aussi une partie du site Ramsar comprenant les bas-fond des lagunes côtières et des chenaux de plusieurs cours d’eau du Sud-ouest du Bénin. Le principal chenal du lac Ahémé bordé de végétations aquatiques plus connues sous l’appellation de mangroves et ou de palétuviers, offre une navigabilité qui en fait une véritable route reliant l’Est à l’Ouest du pays. Aujourd’hui encore les populations de l’intérieur ou des extrémités des villes de Ouidah et de Grand Popo se donnent le plaisir de la pratiquer quand leur vient le moment de voyager vers les villages le long de la route inter-État Cotonou Lomé. Les pirogues chargées de divers produits halieutiques ou artisanaux(poissons et crustacés, sel etc ), les femmes l’empruntent pour rejoindre les marchés d’akodeha et Djoda par le passé, et Comé, Lomé et autres encore aujourd’hui. Au titre des reliques de la fréquentation de cette route, figure le nom »dénou » attribué à l’un des huits hameaux du village. Le trafic était devenu si important sur cette route que l’administration coloniale a jugé utile d’y installer un poste de contrôle douanier. De là, la décision du roi Zounon-Agbogba d’y isoler un de ses fils atteint de la maladie de la variole et d’y ériger par la suite une résidence secondaire ont fini par cristalliser ce passé glorieux dans les mémoires du village. Nous avons alors collecté toutes les infos sur les faits et anecdotes liés aux noms de chacun des huit hameaux
Nous avons suivi les saisons des productions lacustres et champêtres. Ainsi en plus du paysage pittoresque à savourer nous avons réuni une banque de connaissances sur le vécu des habitants : populations humaines et ornithologiques, végétales et halieutiques que nous partageons avec les touristes nationaux et étrangers.
Depuis que vous faites cela, quel constat faites-vous en ce qui concerne le niveau du tourisme dans cette zone en particulier ?
Le premier voyage des camarades en août 2017 a comblé leurs attentes. Depuis, les visites s’enchaînent et le cercle des amoureux des traditions africaines, de la Nature et de la fraîcheur, de tous les continents ne cesse de s’élargir. Un détour par Gogotinkpon ou par la route de l’eau, c’est un package riche des découvertes des anecdotes et faits, que véhiculent le nom du village, l’emprunt de la route de l’eau, les mangroves, les oiseaux et la danse des papilles au goût des nourritures et boissons locales tels que dakoin, atoutou, agnan arrosées de vin de palme et l’eau naturelle de coco frais qui vous étanche une soif tout aussi naturelle… Un délice, une merveille !
Que proposez-vous dans le sens d’une augmentation du niveau du tourisme au Bénin ?
A l’allure satisfaisante où va l’intérêt des visiteurs pour Gogotinkponmè, il est bon de rêver plus organisé, plus grand avec le soutien des mécènes, de l’État et de la communauté. C’est fort de cette ambition que nous avons commencé la collecte et la description des moyens de pêche anciens comme nouveaux, pour constituer un petit musée des arts et techniques de pêche. Ls écoliers y trouveraient un moyen pour renforcer leurs apprentissages scolaires, les enseignants, un complément pédagogique et les visiteurs, une nouvelle source de curiosité. Ce pan du patrimoine trouverait un marbre pour se graver davantage dans les mémoires. Gogotinkpon c’est aussi beaucoup de fruits tropicaux menacés de disparition du fait de l’occupation de plus en plus forte de l’espace. Il faut sauver : le » céli » une sorte de datte et son arbre source d’un vin vraiment agréable à déguster, »ayla » ou » hoovicocoé », »’ ovo » » sisoè ou sisrè, »ofon » »ogon » etc . D’où l’idée d’un jardin des fruits sauvages ou naturels et des plantes médicinales de Gogotinkpon.
De façon générale, quels sont les atouts dont dispose le Bénin pour attirer plus de visiteurs dans le pays ?
Les atouts du Bénin pour attirer plus de gens, ce sont ses riches patrimoines naturels et historiques. Mais ce fond important sera véritablement attrayant si les efforts des acteurs : États, professionnels des différentes branches du secteur patrimoine tourisme et culture, convergent vers l’objectif suivant : valoriser, promouvoir et sécuriser les atouts du pays. A ce sujet, les ambitions et organisation dont fait preuve le pouvoir en place au Bénin depuis 2016 sont sources d’espoir. Un exemple, la facilitation de l’accès à la destination Bénin en matière de visa est un plus qu’il importe de maximiser en améliorant le coût du voyage vers le pays.
À part la gestion de ce site touristique , que faites-vous d’autres dans le domaine culturel ?
Notre disponibilité à accompagner les visiteurs pour la découverte du site nous a conduit à la formation d’une demie douzaine de jeunes guides et à la mise en place, grâce à la volonté de nouveaux concitoyens de Gogotinkpon, des clubs environnement baptisés Gogo Enfant Environnement/GEE…Nous œuvrons à rechercher des partenariats pour converger les énergies en faveur de la valorisation et de la promotion de la région du Lac Ahémé. Les perspectives pourraient se construire avec l’État à travers son agence/Adelac sise à Sègbohouè, des offices de tourisme de Ouidah et Grand Popo ainsi qu’avec des professionnels du domaine du tourisme et connexes.
Un message à l’endroit des autorités publiques ,des promoteurs culturels ?
Je voudrais profiter de cette opportunité qu’offre à Gogotinkpon, votre tribune, pour rappeler que les difficultés de la communauté de Gogotinkpon sont multiples. Elles sont liées à la réduction drastique de leur pouvoir d’achat à cause de l’ensablement du lac Ahémé. La pêche et les activités connexes connaissent un déclin qui fragilise depuis quelques années l’économie locale. Notre vœu ardent est de pouvoir réduise les effets anthropiques qui contribuent à l’aggravation de la situation par la sensibilisation des populations notamment des jeunes et la mobilisation des partenaires du secteur Tourisme et Patrimoine pour renforcer nos projets dans ces domaines. Nous rencontrons des obstacles à ce sujet. L’Etat même peine à trouver des sources de financement. Ceci ajouté au déficit d’engagement généralisé en faveur des initiatives privées. Or, nous y croyons. C’est un appel que nous lançons aux mécènes et acteurs convaincus des deux secteurs à nous soutenir pour que la situation économique actuelle très fragile soit inversée pour Gogotinkpon dont la communauté mérite mieux au regard des atouts de l’écosystème de ce milieu semi-aquatique. L’avenir de toutes les espèces caractéristiques de ce village en est tributaire.
Ci-dessous le lien de la page facebook dédiée au site:
https://www.facebook.com/gogotinkpon/
Contact : +229 97 63 03 21