Dans le quartier résidentiel de Msasani, à Dar es Salaam, la capitale économique de la Tanzanie, un grand pavillon cerné de barrières colorées tranche avec la monotonie des bâtiments alentours.

Installé derrière son bureau, dans une petite pièce sombre, Mustafa Hassanali sirote un jus d’orange dans un silence religieux. De retour d’Afrique du Sud où il vient de présenter sa première collection homme à Cap Town, il confie avoir passé une semaine harassante.

« Je viens de participer à la première fashion week africaine entièrement consacrée à l’homme. nous avons eu beaucoup de travail », explique-t-il.

A 34 ans, ce créateur au physique imposant et à l’allure décontractée est aujourd’hui considéré comme l’empereur de la mode en Afrique de l’Est. De Cap Town à Dakar en passant par Milan, Stockholm et Moscou, ses collections ont été présentées dans une vingtaine de pays.

Autodidacte

Diplômé de médecine, cet autodidacte réalise ses premières pièces à l’université. Si au départ le dessin et la couture restent un loisir, son travail rencontre rapidement du succès et le bouche-à-oreille lui permet de vendre ses premières créations.

La mort de ses parents deux ans avant la fin de ses études change soudainement sa façon d’envisager l’avenir. « Il a fallu d’un coup que je subvienne à mes besoins. C’est à ce moment que j’ai compris que je devais tirer partie de mon travail de designer », ajoute-t-il.

En 2006, tout juste diplômé, Mustafa Hassanali décide de se lancer à plein-temps dans la création. « Au bout de quelques mois, j’ai su que je ne reviendrais jamais vers la médecine », dit-il.

Son carnet de commande déjà bien rempli, il souhaite désormais s’atteler à un projet de plus grande envergure : développer le marché de la mode en Tanzanie et en Afrique de l’Est. « Il n’y avait rien, tout était à construire. En 2007, alors que j’étais à la fashion week de Maputo, je me suis dit que si un pays comme le Mozambique ayant connu la guerre civile avait réussi à construire un tel événement, nous devrions aussi être capables de créer le nôtre ».

Un an plus tard, la première édition de la Swahili Fashion Week à Dar es Salaam accueillait douze créateurs de différents pays d’Afrique de l’Est. A travers ce rendez-vous panafricain, Mustafa Hassanali cherche à offrir une scène à des designers en manque de visibilité. « Pour créer une demande, il fallait qu’il y ait de l’offre. Avant les gens achetaient des vêtements uniquement pour les mariages. Aujourd’hui, les comportements de consommation changent », analyse-t-il.

Le jeune designer souhaite également mettre l’accent sur des tendances plus locales. Selon lui, l’Afrique de l’Est ne se reconnaît pas dans l’agenda de la mode internationale. « Ici, les collections automne/hiver n’ont aucun sens. Les gens ne portent pas de bottes et de vestes. Les dynamiques sont très différentes, nos codes couleurs et nos influences ne sont pas les mêmes », précise-t-il.

A la tête d’une équipe de vingt personnes

Un pari qui semble porter ses fruits. Les 5 et 7 décembre derniers, à l’occasion de la 8e édition de la Swahili Fashion Week, plus de vingt-cinq créateurs venus de tout le continent ont présenté leurs collections sur les podiums de Dar es Salaam, faisant de l’événement l’un des rendez-vous les plus importants de la mode africaine.

Si Mustafa Hassanali se félicite de ce succès, il avoue n’en tirer aucun bénéfice et déplore encore le manque d’investisseurs prêts à s’engager dans le secteur. « Si nous voulons perdurer, nous sommes obligés de nous diversifier », dit-il l’air désabusé. Mustafa Hassanali préfère rester discret sur les montants que lui rapportent ses activités mais admet que les revenus liés à son travail de créateur n’auraient pas suffi pour lancer un tel projet. « Je dirige également une agence de communication » explique-t-il l’air gêné. Car Mustafa Hassanali a pour clients les puissantes compagnies gazières du pays.

Aujourd’hui à la tête d’une équipe de vingt personnes, il tient à souligner qu’il passe la majeure partie de son temps à travailler ses collections. Mustafa Hassanali lancera d’ailleurs prochainement une ligne de prêt-à-porter et aimerait développer le sur-mesure pour l’homme. « Nous avons réussi à faire émerger notre propre marché de la mode mais il nous reste encore beaucoup de choses à inventer », conclut-il.

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