Le chanteur belge Stromae est en tournée africaine. Ecoutées au premier degré ou pastichées, les chansons de son album « Racine carrée » illustrent la politique du continent.

Stromae découvre l’Afrique et l’Afrique découvre Stromae. Si Paul Van Haver (le vrai nom de l’artiste belge) est le fils d’un Rwandais mort pendant le génocide, c’est la première fois qu’il effectue une tournée africaine, un tour de chant qui le rapprochera progressivement de son Rwanda paternel : après ses concerts récents au Sénégal, au Cap Vert et au Cameroun, il s’apprête à « prester » au Cap-Vert, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Congo, en RDC puis au Rwanda. Déjà, le chanteur a touché du doigt les réalités du continent, notamment les délestages électriques – sept minutes de coupure devant le sénégalais Monument de la Renaissance africaine – et « l’heure CFA », certains spectateurs retardataires n’ayant pas anticipé qu’un concert pouvait commencer à l’horaire indiqué sur le ticket…

L’Afrique, elle, découvre-t-elle vraiment Stromae ? Sur scène, certes. Mais les Africains connaissent déjà certains des titres de ce phénomène musical international. Le mélange d’une interprétation « à la Jacques Brel », d’un ton rock alternatif et de sonorités hip hop électro a d’autant plus séduit les mélomanes du continent noir que quelques vibrations africaines se distillent, tout en discrétion, dans certaines titres comme « Papaoutai » et son filigrane de rumba congolaise. Et comment mieux mesurer l’appropriation d’un répertoire par un public, sinon par l’apparition de pastiches ?

« Boutefoutai »

En la matière, l’Afrique noire et l’Afrique blanche se tirent la bourre. Sur les sites de partage de vidéo, le titre « Sassou Nguesso – Kesketafai » moque une visite du président congolais en Espagne. La mélodie est celle de « Papaoutai ». Le look de l’interprète est un mélange de nœud papillon « stromaien » et de coupe de cheveux « nguessienne ». Au Nord du continent, c’est un « Boutefoutai » que les Algériens peuvent écouter, autre parodie de « Papaoutai », destinée, elle, à faire siffler les oreilles de leur président. Elle souligne le peu d’apparitions publiques d’Abdelaziz Bouteflika, depuis sa dernière non-campagne électorale : « Dites-moi comment il va, quel est son état de santé. Certains me disent ‘’Ne t‘inquiètes pas, il arrive quand même à parler’’. (…) Où es-tu, Boutef ? Dis-nous, où es-tu, Boutef ? »

À bien y écouter, les chansons de Stromae n’ont pas besoin d’être réécrites par les humoristes pour dévoiler leur charge potentiellement satirique pour l’Afrique. On pourrait même imaginer quelques chefs d’Etat « afro » faire des reprises de certains titres :

1- Lui qui aime se déhancher en peau de léopard, le Sud-africain Jacob Zuma pourrait interpréter, de façon convaincante, « Alors on danse ».

2- En perspective d’un énième anniversaire dépensier, le Zimbabwéen Robert Mugabe chanterait magistralement « Ta fête ».

3- Le plus africain des présidents américains, le Kényan Barack Obama – métis comme Stroma – gagnerait à interpréter « Carmen ». Lui qui vient juste de lancer son compte Twitter personnel, il pourrait reprendre à son… compte ce clip qui met en scène l’oiseau bleu des réseaux sociaux.

4- Le Cap-verdien Jorge Carlos Fonseca interpréterait avantageusement « Ave Cesaria », hommage culotté à la plus célèbre chanteuse de son île.

5- « Nous étions formidables, vous étiez fort minables », pourrait adresser le Burundais Pierre Nkunrunziza à ses détracteurs. « Bâtard », « Tous les mêmes » ou « Avf » (Allez vous faire…) collerait d’ailleurs tout autant à son discours…

6- Quant à l’incontournable « Papaoutai », il pourrait justifier la réformation du Trio Dasufa, avec, cette fois, trois « fils de » : le Togolais Faure Gnassingbé, le Congolais démocratique Joseph Kabila et le Gabonais Ali Bongo Ondimba. Sous le nom d’ »Alain Bongo », ce dernier a déjà l’expérience des studios d’enrégistrements.

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